360 – Expédition du navire Le Phoenix pour Québec en 1663

À la suite d’une nouvelle politique coloniale, deux vaisseaux du roi sont armés à destination de Québec en 1663 : L’Aigle d’Or pour Québec et Le Jardin de Hollande pour Plaisance et Québec. expédition_blogue

Ces vaisseaux doivent porter « les secours que Sa Majesté y envoie et pour la levée, subsistance et vivres des familles qui doivent passer aux dits lieux ».

Cela n’empêche pas l’expédition de navires marchands vers la colonie.  C’est le cas des navires Le Phoenix (250 tx), de Flessingue, et Le Thoreau (300 tx), de La Rochelle.

Les préparatifs

Dans l’après-midi du vendredi 15 décembre 1662[1], par un contrat de charte-partie[2], le maître Jean Bosseman loue son navire Le Phoenix (250 tx), de Flessingue (Hollande), au marchand rochelais Pierre Gaigneur. Bien étanche, mouillant à la rade de La Pallice, le navire est muni de ses garnitures, apparaux et autres choses servant à sa navigation. Il est prêt à faire voile pour aller à Flessingue et revenir à La Rochelle le plus tôt possible.

Dès son arrivée à La Rochelle, Bosseman y installera à sa place Guillaume Block, son gendre, qui y séjournera un mois pendant lequel le marchand Gaigneur pourra y mettre tel maître et équipage que bon lui semblera et y charger telles marchandises et victuailles pour le « voyage de Canada » soit pour faire la pêche ou le négoce de marchandises.

Signatures de Pierre Gaigneur et de Jean Bosseman (1662).

Pour ce voyage, Bosseman enverra son gendre Block, qui aura l’œil à la protection du navire et sera nourri aux dépens de Gaigneur et couché en la chambre du capitaine ou des marchands et boire et manger à la table du capitaine. Block sera accompagné d’un charpentier ou d’un matelot flamant qui sera aussi nourri aux frais de Gaigneur, mais sera au service du marchand et payé par lui.

La location du navire est faite pour la somme de 925lt pour chaque mois de voyage, assuré pour six mois, ou au prorata s’il y est plus de temps. Le gendre Block recevra 120lt pour son chapeau (gratification). De plus, il aura à son service un petit garçon, sans salaire, mais sera nourri par Gaigneur.

Le 20 avril[3], Antoine Grignon et Suzanne Suppet, son épouse, s’accordent avec leur créancier rochelais Richard Creagh pour l’expédition de marchandises qu’ils espèrent charger dans le navire Le Phoenix pour Québec.

Trois jours plus tard[4], le marchand Gaigneur emprunte à la grosse aventure la somme de 440lt (à 24% d’intérêt) auprès des marchands rochelais Jean Massiot et Louis Massiot, son fils, pour employer au paiement des victuailles et marchandises qui ont été chargées dans le navire Le Phoenix, prêt à faire voile pour aller à Québec sous la conduite du capitaine Guillaume Hurtin, de La Tremblade. Après avoir déchargé les marchandises à Québec, il est prévu que le navire aille à Gaspé ou Île Percée faire la pêche du poisson vert ou sec.

Dans l’espoir que ses correspondants à Québec, Jacques de Lamothe et Arnaud Ezmard, lui fassent des retours considérables, le marchand rochelais Paul Thévenin fait assurer jusqu’à la somme de 20 000lt « argent de Hollande » les marchandises qu’il a chargées pour son compte moitié dans chacun des navires Le Phoenix et Le Thoreau. Les assureurs sont Jérémie Wauraiy et Pierre Hakart, marchands d’Amsterdam[5].

Extrait. Contrat de charte-partie pour l’expédition du navire Le Phoenix pour Québec. 15 décembre 1662.
(Source : AD17. Notaire Pierre Moreau. 3E59/266, fol. 241v, 242r)

De l’équipage, nous connaissons :

  • Guillaume Hurtin, capitaine

Des passagers, nous connaissons :

  • Guillaume Block et un petit garçon
  • un charpentier ou matelot flamand au service de Gaigneur

                       Les Filles du roi de 1663 embarquées sur le navire Le Phoenix?

Nombre de sites web perpétuent faussement que le premier contingent de Filles du roi est arrivé à bord du navire Le Phoenix, de Flessingue. 

Si le roi envoie des Filles à marier aux frais du trésor royal, il est fort probable qu’il les fasse embarquer dans l’un de ses navires (L’Aigle d’Or) et non dans des navires d’armateurs privés comme Le Phoenix ou Le Thoreau.

Le départ

La flotte de 1663 pour Québec est composée de cinq navires dont quatre partent de La Rochelle et l’autre de Normandie. Ils sont :

  • L’Aigle d’Or (300 tx), de La Rochelle (capitaine Nicolas Gargot de La Rochette), frété par le roi;
  • Le Jardin de Hollande (300 tx), de La Rochelle (capitaine Jean Guillon de Leaubertière), frété par le roi;
  • Le Phoenix (250 tx), de La Rochelle (capitaine Guillaume Hurtin), frété par Pierre Gaigneur;
  • Le Thoreau (300 tx), de La Rochelle (capitaine Élie Raymond), frété par Jean Gitton;
  • un vaisseau de Normandie.
Caractéristiques des navires composant la flotte de 1663 à destination de Québec.
(Source : Collection Guy Perron)

Armé de onze pièces de canon, le navire Le Phoenix quitte La Rochelle fin avril et arrive à Québec le 30 juin suivant.

Le retour

Après avoir déchargé ses marchandises et en avoir rechargé d’autres, le navire Le Phoenix lève l’ancre trois semaines plus tard, le lundi 23 juillet. Y sont aussi chargées des marchandises qui n’ont pu l’être à l’automne 1662, pour le compte d’Antoine Grignon et Suzanne Suppet, son épouse[6].

Les retours considérables qu’attendait Paul Thévenin de ses correspondants à Québec, de Lamothe et Ezmard, ne sont plus que « peu de marchandises ». Ayant grand intérêt de les faire voir à ceux qui les ont assurées, le 26 mars 1664[7], Thévenin requiert l’attestation des capitaines Guillaume Hurtin et Élie Raymond de ce que leurs navires ont rapporté de Québec. Ainsi, dans le navire Le Phoenix, il y avait seulement 200 peaux d’orignaux et deux petits ballots de castors (l’un de 164 livres, l’autre de 100 livres), alors que dans le navire Le Thoreau il n’y avait qu’un poinçon de castors pesant 305 livres. 

Extrait. Attestation par Guillaume Hurtin et Élie Raymond au sujet des pelleteries apportées du Canada en 1663 pour Paul Thévenin. 26 mars 1664.
(Source : AD17. Notaire Abel Cherbonnier. 3E308, fol. 153)

Malheureusement, aucun rapport n’a été retracé dans le Fonds Amirauté de La Rochelle faisant état des événements survenus pendant le voyage du navire Le Phoenix (250 tx) à Québec en 1663.


Pour citer cet article

Guy Perron©2023, « L’expédition du navire Le Phoenix pour Québec en 1663 », Le blogue de Guy Perron, publié le 21 mai 2023.


[1] AD17. Notaire Pierre Moreau. 3E59/266, fol. 241v, 242r. 15 décembre 1662.

[2] Une charte-partie est un acte constituant un contrat conclu de gré à gré entre un fréteur et un affréteur, dans lequel le fréteur met à disposition de l’affréteur un navire. Le nom vient de ce que le document était établi en deux exemplaires que l’on découpait par le milieu pour en remettre deux moitiés à chaque partie. Mémoire d’un port. La Rochelle et l’Atlantique XVIe-XIXe siècle. Musée du Nouveau Monde, La Rochelle, 1985, p. 25.

[3] AD17. Notaire Pierre Moreau. 3E59/267, fol. 81, 82r. 20 avril 1663.

[4] AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1370bis, pièce 84. 23 avril 1663.

[5] AD17. Notaire Abel Cherbonnier. 3E308, fol. 153 (anciennement pièce 52). 26 mars 1664.

[6] Voir note 3.

[7] Voir note 5.

5 réflexions sur “360 – Expédition du navire Le Phoenix pour Québec en 1663

  1. ric deMeulles

    This is great. I got your name from la Société d’histoire des Filles du Roy.

    I am a Sudbury writer doing research into 17th Century New France. I am now digging up information of Charles Allaire from st-philibert du pont-charrault. Not sure when he came over but was first mention in a record of 1658. He married Catherine Fievre (a fille du roi) from Niort on Nov 10 1663 at Notre-Dame-de-Quebec. I’m having difficulty finding out when they came over, but have a better idea about Catherine, thanks to your blog. Seems most probable she came on the L’Aigle d’Or, arriving 22 Sept, 1663.

    Thanks for the good work you are doing.

    ric

    I am very impressed with your ability to read those old documents

      1. ric deMeulles

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        ric

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