386 – L’expédition de la frégate La Perle pour Québec en 1693

La flotte de 1693 à destination de Québec est composée d’au moins treize navires connus : huit de La Rochelle (La Bretonne, La Fille Bien Aimée, La Fleur de Lys, La Perle, Le Corossol, Le Postillon, Le Saint-Joseph, et Le Saint-Louis), un de Bordeaux (La Sainte-Anne), trois de Rochefort (Le Poly, Le Pontchartrain et L’Indiscret) et un d’un lieu de départ inconnu (L’Impertinent). Le navire L’Industrie (260 tx) devait faire partie de cette flotte, mais va partir plutôt pour les Antilles. expédition_blogue

La frégate La Perle (200-250 tx) est la propriété du marchand rochelais Pierre Garbusat.

Les préparatifs

Malheureusement, aucun document n’a été retracé concernant l’affrètement de ce navire pour Québec en 1693.

Le 8 avril, Garbusat obtient un passeport du roi pour la frégate La Perle pour un voyage au Canada et aux Antilles sous la conduite du capitaine Charles Chaviteau. Un mois plus tard, le 6 mai, nommé capitaine de la frégate La Perle, Jacques Vivien obtient une commission en guerre.

Un certificat de Massiot, commissaire ordinaire de la marine, du 16 mai[1], atteste que Chaviteau est maintenant au service du roi pour commander le navire La Loire. C’est pourquoi, le même jour[2], devant le juge de l’Amirauté de La Rochelle, Pierre Garbusat requiert qu’on procède au changement de capitaine.

Extrait. Requête de Pierre Garbusat pour le changement de capitaine de la frégate La Perle pour un voyage au Canada et aux Antilles. 16 mai 1693.
(Source : AD17. Fonds Amirauté de La Rochelle. Documents du greffe. B5689, fol. 192)
Certificat du commissaire Massiot pour la nomination du commandant de la frégate La Perle. 16 mai 1693.
(Source : AD17. Fonds Amirauté de La Rochelle. Documents du greffe. B5689, fol. 195)

Le 29 avril auparavant[3], Garbusat demandait au commissaire Massiot de bien vouloir accepter, au nom du roi, d’embarquer dans sa frégate La Perle, qui est prêt à partir (le départ se fera un mois plus tard) :

  • un amérindien et deux hommes avec lui (250 livres pour passage et nourriture)
  • 21 soldats et quatre canadiens « enrôlés » (30 livres chacun pour passage seulement)

Le tout sera payé à Garbusat par ordonnance du trésorier général de la marine.

Sur le point de s’embarquer sur la frégate La Perle, le 28 mai[4], Charles Bailly, marchand de La Châtaigneraie (Poitou), au nom de Toussaint Bailly sieur de la Cautière, son père, reconnaît devoir la somme de 1 616 livres envers le marchand rochelais Jacques Trehet pour vente et livraison de marchandises chargées dans ladite frégate pour aller « faire négociation » au Canada. Ces marchandises sont adressées à la veuve Allemand à Québec.

De l’équipage, nous connaissons :

  • Jacques Vivien, capitaine
  • Isaac Gabion, maître
  • Arnaud Goron, premier pilote
  • André Tailleur, matelot d’origine anglaise
  • François Lecourt, garçon, de Quimperlé (Bretagne)

Des passagers, nous connaissons :

  • un amérindien et deux hommes avec lui
  • 21 soldats
  • 4 canadiens enrôlés

« Le « Sauvage » s’est embarqué

en assez bonne santé et très content

des présents que le roi lui a fait. »

Lettre de Michel Bégon à Cabaret de Villermont

30 mai 1693

Dans sa lettre, du 30 mai[5], Bégon écrit que ces présents consistent en une médaille d’or de la Bataille de Ceret, des pistoles, un fusil et pour environ 50 pistoles de bagatelles servant à son usage.  

Treize navires partent de La Rochelle à destination de Québec en 1693. Ils sont :

  • La Bretonne, de La Rochelle, frétée par le Roi;
  • La Fille Bien Aimée (300 tx), de La Rochelle (capitaine Jean Duret), frétée par Jean Gitton et Isaac Mouchard;
  • La Fleur de Lys, de La Rochelle, frétée par le Roi;
  • La Perle (200-250 tx), de La Rochelle (capitaine Jacques Vivien), frétée par Pierre Garbusat;
  • La Sainte-Anne (150 tx), de Bordeaux (capitaine Guillaume Maret), frétée par Jacques Rattier et Pierre Roquette;
  • Le Corossol (200 tx), de La Rochelle (capitaine Robert), frété par le Roi ;
  • Le Poly (450 tx), de Rochefort (capitaine Pierre Le Moyne d’Iberville), frété par le Roi;
  • Le Pontchartrain (200-250 tx), de Rochefort (capitaine Jean Javeleau), frété par Samuel Bernon;
  • Le Postillon, de La Rochelle, frété par Jean Gitton et Isaac Mouchard;
  • Le Saint-Joseph (250 tx), de La Rochelle (capitaine Jean Couillaudeau), frété par Louis Leber de Saint-Paul;
  • Le Saint-Louis (110-150 tx), de La Rochelle (capitaine Nicolas Aigron Lamothe), frété par Jean Jung de Saint-Laurent;
  • L’Impertinent (200-260 tx);
  • L’Indiscret, de Rochefort, frété par le Roi.
Caractéristiques des navires composant la flotte de 1693 à destination de Québec.
(Source : Collection Guy Perron)

Le départ

La période de guerre dans laquelle se trouve la France explique la nécessité pour les navires marchands de voyager sous escorte.

Une lettre de l’intendant Jean Bochart de Champigny au ministre Pontchartrain, du 12 août[6], expose que, partis fin avril, 

« les vaisseaux Le Poly, L’Indiscret, Le Corossol, La Bretonne et La Fleur de Lys sont arrivés à Québec à la fin de juillet avec les quatre vaisseaux marchands [probablement Le Pontchartrain, Le Postillon, Le Saint-Joseph et Le Saint-Louis] qui étaient partis de La Rochelle avec eux. L’Impertinent, La Perle et La Fille Bien Aimée sont arrivés quelques jours après qui sont tous les vaisseaux que nous avons appris être partis de France pour ce pays. »

Plus précisément, la frégate La Perle (200-250 tx) quitte La Rochelle le vendredi 29 mai[7] et arrive à Québec le 5 août suivant.

Dans cette flotte, on compte 500 soldats qui « est un puissant secours pour la colonie dans un temps où elle a un si grand besoin de toutes ses forces contre ses ennemis », écrit l’intendant de Champigny le 12 août. Il en est mort quelques-uns pendant la traversée, plus de 100 ont été malades avec quantité de matelots[8], mais « les soins que l’on en prend dans l’hôpital de Québec me font espérer que nous en perdrons peu », précise l’intendant.

Extrait. Plan de la ville de Québec… 1693. Robert de Villeneuve
(Source : BAC en ligne. Cartes et documents cartographiques. V1/340/Québec/1693)

Le retour

À Québec, le 6 septembre, le capitaine Jacques Vivien demande à deux membres de son équipage de comparaître devant le notaire François Genaple de Bellefonds pour certifier la désertion de deux matelots.

Ainsi, le maître Isaac Gabion et le premier pilote Arnaud Goron déclarent que dix jours après l’arrivée de la frégate La Perle à bon port à la rade de Québec le 5 août, le matelot d’origine anglaise André Tailleur aurait déserté (vers le 15 août). Quatre jours après l’évasion de Tailleur, c’est au tour du garçon François Lecourt, de Quimperlé (Bretagne), de déserter « sans que depuis ils aient pu savoir ni apprendre la retraite desdits déserteurs au Canada ».

Procureur de Charles Bailly, marchand de La Châtaigneraie (Poitou), le 2 décembre à Villemarie, le marchand Nicolas Janvrin sieur Dufresne reconnaît avoir reçu la somme de 254 livres de Guillaume Goyau dit Lagarde, habitant.

Malheureusement, aucun document n’a été retracé dans le fonds Amirauté de La Rochelle faisant été des événements survenus pendant le voyage de la frégate La Perle (200-250 tx) à Québec en 1693.

Cependant, à son retour des Antilles au début du mois de juillet 1694, le capitaine Jacques Vivien est appelé devant le juge de l’Amirauté concernant le mauvais état de cinq barriques de sucre brut transportées sur son navire La Perle.

À la demande des marchands rochelais Bion, Bion et Brians en Compagnie, ces barriques seront visitées par deux experts pour savoir si elles sont marquées de leur marque et si les sucres ont été endommagés par l’eau de la mer.

Un jugement du 17 juillet ordonne aux marchands Vlamin (40 ans) et Gastebois (35 ans) de se rendre au grand bureau de la ville pour examiner ces barriques et rendre leur rapport.

Le 28 juillet[9], après avoir défoncé les cinq barriques, les experts écrivent :

« Nous en aurions trouvé deux entièrement vides, y paraissant seulement quelques traces de sucres, une autre ayant très peu de sucres fort humides et deux autres à peu près les deux tiers vides dont le sucre ne nous a en tout point paru mouillé. »

Ainsi, Vlamin et Gastebois estiment que les sucres n’ont pas été endommagés par l’eau de la mer.

Extrait. Rapport de visite de cinq barriques de sucre transportées sur le navire La Perle. 28 juillet 1694.
(Source : AD17. Fonds Amirauté de La Rochelle. Documents du greffe. B5690, fol. 130-132)

Pour citer cet article

Guy Perron©2024, « L’expédition de la frégate La Perle pour Québec en 1693 », Le blogue de Guy Perron, publié le 14 mars 2024.


[1] AD17. Fonds Amirauté de La Rochelle. Documents du greffe. B5689, fol. 195 (anciennement pièce 275). 16 mai 1693.

[2] AD17. Fonds Amirauté de La Rochelle. Documents du greffe. B5689, fol. 192-193 (anciennement pièce 273). 16 mai 1693.

[3] AD17 en ligne. Notaire Pierre Soullard. 3E1802, fol. 37. 29 avril 1693.

[4] AD17 en ligne. Notaire Pierre Soullard. 3E1802, fol. 44-45. 28 mai 1693.

[5] BAC en ligne. BNF. Département des manuscrits. Fonds français. Collection Dangeau. Pièces originales. Bobine C-9194, fol. 159r. 30 mai 1693.

[6] BAC en ligne. Fonds des Colonies. Série C11A. Correspondance générale. Canada. Bobine C-2379, fol. 250v. 12 août 1693.

[7] Voir note 5.

[8] Entre le 15 juillet et le 31 août 1693, on dénombre 136 soldats et 73 matelots hospitalisés à l’Hôtel-Dieu de Québec, dont 9 décès. Source : Marcel Fournier et Gisèle Monarque. Registre journalier des malades de l’Hôtel-Dieu de Québec, Montréal, les éditions Archiv-Histo, 2005, 2096p.

[9] AD17. Fonds Amirauté de La Rochelle. Documents du greffe. B5690, fol. 130-132. 28 juillet 1694.

5 réflexions sur “386 – L’expédition de la frégate La Perle pour Québec en 1693

  1. Gilles Boismenu

    tous les navires de 1665 avec le régiment carignan-salières ont-ils été dépouillés archivés mr perron?

    1. Bonjour,
      Écrivez 1665 dans le module « Recherche dans ce blogue » sur la page d’accueil et vous découvrirez les articles que j’ai publié (à ce jour) relativement à cette date (engagés, expéditions de navire, etc.).

  2. Karen Fontaine

    I am curious and have a question: Wherein the West Indies was that ship La Perle to embark. I ask because it’s possible to check the West Indies Archives to see if they arrived (and other ships from France)?

  3. Elodie

    Bonjour,
    Pourriez-vous me donner la référence des documents mentionnant cet autochtone qui embarque à bord de La Perle s’il vous plait?
    Je vous remercie d’acvance.

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