385 – Engagement d’Antoine Bouton (c1676-1758) pour le Canada en 1698

À La Rochelle, en 1698, la levée d’engagés pour l’Acadie, le Canada et le Mississipi est l’affaire des recruteurs suivants : Recrutement - Le blogue de Guy Perron

  • Louis-Hector de Callière, gouverneur de Montréal (Montréal);
  • Louis-Joseph Le Gouès de Graye, capitaine d’une Compagnie franche de la marine (Canada);
  • Charles Le Moyne de Longueuil, capitaine d’une Compagnie de la marine (Canada);
  • Pierre Le Sueur, bourgeois et marchand de Montréal (Mississippi);
  • Benjamin Paquinet, capitaine de navire, et Abraham Aubier, maître et constructeur de navire (Acadie);

Natif de Graye-sur-Mer (Normandie), le capitaine Louis-Joseph Legouès de Graye (1675-1700) en est à sa première et seule levée d’engagés pour le Canada.

Source : Gabriel Debien. « Liste des engagés pour le Canada au XVIIe siècle (1634-1715) » dans RHAF, vol. 6, no 3, décembre 1952, p. 404.

ERREUR DE TRANSCRIPTION

Lors de la transcription de l’article de Gabriel Debien dans la revue RHAF, une erreur s’est glissée et perpétuée dans des sites web et imprimés traitant de ce sujet.

Il faut lire « Saint-Jeust » (et non Saint-Jean). Aujourd’hui, Saint-Just-en-Chevalet (Lyonnais).

À La Rochelle, le dimanche 15 juin 1698[1], le lyonnais Antoine Bouton (22 ans) se présente dans l’étude du notaire rochelais Antoine Bagard pour convenir de ses conditions d’engagement avec Le Gouès pour une période de deux ans.

L’engagé aux cheveux noirs décline ses prénom et nom et son lieu d’origine. Il n’aura pas de salaire, mais l’engagiste lui fournira l’acier et le charbon pour travailler de son métier de taillandier dont les profits seront partagés par moitié chacun. De plus, le coût pour l’achat des matériaux sera pris sur les profits revenant à Bouton. 

Il promet de s’embarquer dans un navire que lui indiquera Le Gouès pour aller le servir au Canada. Les frais de son passage seront payés au capitaine du navire. Il sera nourri par Le Gouès à raison de 10 livres par mois, sinon lui-même à ses frais.

L’engagiste lui fournira quatre chemises neuves de toile de Morlaix, une couverte de laine blanche, un branle (hamac) et une paire de bas de laine pour la somme de 24 livres 8 sols qui sera remboursée par Bouton sur les profits de son travail au Canada. Aussi, Le Gouès promet de lui fournir un justaucorps ou capot avec une culotte ou camisole et des souliers.

Après ses deux années d’engagement, Bouton aura la liberté de demeurer au Canada ou de retourner en France à ses frais. Il est précisé que si Bouton tombe malade ou est incapable de travailler, le temps de cette indisposition sera repris à la suite de son engagement.

Si l’engagiste et l’engagé jugent à propos d’embaucher des hommes pour travailler à la forge de Bouton, leur nourriture et salaires seront levés sur leurs profits.

Voici le contrat d’engagement entre Louis-Joseph Le Gouès de Graye (l’engagiste) et Antoine Bouton (l’engagé) en 1698.

Engagement d’Antoine Bouton à Louis-Joseph Le Gouès de Graye.
(graphie contemporaine)
Par-devant le notaire royal à La Rochelle soussigné. Ont été présentes en leurs personnes Louis-Joseph Le Gouès, chevalier, sieur de Graye, seigneur dudit lieu, capitaine commandant une Compagnie franche de la marine au pays de Canada; et Antoine Bouton, natif de la paroisse de Saint-Just à sept lieues de Lyon, taillandier, âgé de vingt- deux ans, poil noir, de présent en cette dite ville d’une et d’autre part. Entre lesquels a été volontairement fait l’acte qui suit. C’est à savoir que ledit Boutin s’est engagé et promet servir ledit sieur de Graye en ladite qualité de taillandier pendant le temps et espace de deux ans consécutifs audit pays de Canada qui commenceront à courir du jour qu’il mettra pied à terre audit lieu pour finir à pareil et semblable jour icelles dites deux années finies et révolues. Pour raison de quoi, ledit Bouton s’embarquera dans le premier navire qui lui sera commandé et ordonné par ledit sieur de Graye dont le passage et frais d’icelui sera payé au capitaine qui commandera ledit navire sans diminution des gages et appointements dudit Bouton. Étant le présent engagement ainsi fait moyennant que ledit sieur de Graye lui fournisse ses aciers et charbon pour travailler audit métier de taillandier pendant lesdites deux années dont les profits seront partagés moitié par moitié, le coût et l’achat desdits matériaux préalablement pris et levés et sur lesdits profits qui reviendront audit Bouton.  Il sera nourri par ledit sieur de Graye à raison de dix livres par mois si mieux il n’aime se nourrir lui-même à ses frais à son choix et option. Et où ils trouveront à propos de prendre des hommes pour travailler à la forge dudit Bouton, leur nourriture et gages seront aussi pris et levés sur lesdits profits. Et arrivant que pendant lesdites deux années ledit Boutin tomba malade et qu’il fut incapable de travailler, ledit Bouton remplacera le temps qu’il aura été indisposé après lesdites deux années finies. Après quoi, il aura la liberté de demeurer audit pays de Canada ou de s’en retourner en France à ses dépens. Et en considération du présent engagement, ledit sieur de Graye a présentement délivré audit Bouton quatre chemises neuves de toile de Morlaix, une couverte de laine blanche et un branle pour le servir tant à bord qu’à terre et une paire de bas de laine; le tout estimé et réglé à la somme de vingt- quatre livres huit sols que ledit Bouton payera audit sieur de Graye sur lesdits profits étant audit pays de Canada. Et encore ledit sieur de Graye lui promet fournir d’un
justaucorps ou capot avec une culotte ou camisole et souliers dont il aura besoin au prix de France. C’est ainsi la volonté et intention desdites parties qui pour l’entretien et exécution à peine de tous dépens, dommages et intérêts ont obligés et obligent tous et chacun leurs biens présents et à venir. Renonçant &. Dont &. Jugé &. Fait et passé à La Rochelle, étude dudit notaire, après-midi, le quinzième juin mille six cent quatre-vingt-dix-huit. Présents Nicolas Toize et Antoine Damien, clercs, y demeurant témoins. Et a ledit Bouton déclaré ne savoir signer de ce requis. Signatures.
Contrat d’engagement d’Antoine Bouton pour le Canada. 15 juin 1698.
(Source : AD17 en ligne. Notaire Antoine Bagard. 3E403, fol. 98)

L’engagé Antoine Bouton quitte La Rochelle à destination de Québec dans des circonstances inconnues.

Qu’est-il devenu ?

BOUTON, Antoine
(c1676-1758)
Fils de François Bouton et de Claudine Simon, Antoine Bouton est originaire de Saint-Just-en-Chevalet (Lyonnais). À 22 ans, il s’engage à Louis-Joseph Le Gouès de Graye, le 15 juin 1698, pour aller travailler à son service pendant deux ans au Canada sans salaire. Cependant, les profits de son travail seront partagés moitié avec l’engagiste. Ne signe pas. Il quitte La Rochelle à destination de Québec dans des circonstances inconnues. Il épouse, le 20 février 1702 à Trois-Rivières, Marthe Fréchette, fille de Pierre Fréchette et de Marie-Charlotte Godin. De cette union vont naître neuf enfants. Le couple s’établit à la basse ville de Trois-Rivières sur une terre vendue par Pierre Loiseau dit Francoeur en 1703. Désirant faire habiter les terres qui lui appartiennent au bas du Platon du fort de Trois-Rivières, Pierre Robineau de Bécancour concède en mars 1708 un emplacement à Antoine, maître forgeron, joignant celle acquise en 1703. Au fil des ans, il acquiert une terre dans la seigneurie de Tonnancour (1708), puis dans celle de Bécancour, fief Godefroy (1710). En 1718, à la suite d’une plainte de Bouton contre François Dufault, ce dernier est condamné de lui rendre et replacer les pierres qu’il a enlevées sous le seuil de sa porte. En juin 1734, une ordonnance oblige plusieurs concessionnaires de la seigneurie de Tonnancour (dont Bouton) de tenir feu et lieu dans les dix-huit mois, sinon sa terre sera réunie au domaine du seigneur René Godefroy. Trois mois plus tard, le couple Bouton-Fréchette vend la terre de Tonnancour à Michel Girard. En 1735, le major de Trois-Rivières accuse Bouton d’avoir acheté des vêtements à un soldat de la garnison, nommé Devine. L’accusé répond que ni lui ni sa femme ont acheté des hardes à ce soldat qu’il considère comme « un vieux soldat caduc ». Le « Bonhomme » Bouton est inhumé le 14 janvier 1758 dans le cimetière de la paroisse Immaculée-Conception de Trois-Rivières « à qui l’on donne cent dix-huit ans ». Il avait plutôt 82-85 ans. Trois mois plus tard, le 20 avril, c’est au tour de Marthe « la Bonne femme Bouton » d’être inhumée dans le même cimetière, à l’âge de 85 ans.
Extrait. Engagement d’Antoine Bouton. 15 juin 1698.
(Source : AD17 en ligne. Notaire Antoine Bagard. 3E403, fol. 98)
Note : Des recherches dans les registres paroissiaux de Saint-Just-en-Chevalet, entre 1660 et 1681, ont été vaines. (AD42 en ligne)
À 647m d’altitude, Saint-Just-en-Chevalet est situé dans le département de la Loire (42), en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Pour citer cet article

Guy Perron©2024, « Engagement d’Antoine Bouton (c1676-1758) pour le Canada en 1698 », Le blogue de Guy Perron, publié le 26 février 2024.


[1] AD17 en ligne. Notaire Antoine Bagard. 3E403, fol. 98. 15 juin 1698.

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