383 – L’expédition du navire Le René pour Québec en 1656

La flotte de 1656 à destination de Québec est composée de quatre navires connus :  trois de La Rochelle (La Fortune, Le René et Le Taureau) et un de Rouen (Le Saint-Sébastien). expédition_blogue

Le navire Le René (80 tx) est la propriété de Nicolas Dupourtault l’aîné, René Ranconnet, Étienne Dhariette, marchands de La Rochelle, Jérémie Marion, maître, René Bousseau, André Chardoublay et Maurice Quillon, des Sables d’Olonne.

Les préparatifs

Dans l’avant-midi du mardi 29 février 1656[1], un contrat de charte-partie[2] intervient entre les propriétaires du navire Le René et le marchand rochelais Antoine Grignon pour la location et l’affrètement du navire pour une expédition à Québec, moyennant la somme de 8 000 livres.

Les propriétaires reconnaissent que le navire est bien étanche et propre à servir marchand, dans lequel Grignon y chargera, jusqu’au 25 mars, les marchandises que bon lui semblera, dont le maître Jérémie Marion en signera les connaissements[3].

Arrivé à Québec, le maître Marion y séjournera deux mois pour livrer les marchandises à Grignon, ou son représentant, et recevra de lui d’autres marchandises pour le retour à La Rochelle. 

Le marchand Grignon payera cinq pistoles pour le chapeau (gratification) du maître, un cent de poudre à canon et un pavillon rouge[4] pour le service du navire. De plus, il fournira les victuailles qui conviendra pour la nourriture des passagers qu’il fera embarquer, tant à l’aller qu’au retour,

Dans l’après-midi du lundi 10 avril suivant[5], un second contrat de charte-partie intervient entre Jérémie Marion, propriétaire pour 1/16 et maître après Dieu du navire Le René (80 tx), et Antoine Grignon, annulant celui du 29 février. 

Marque d’Antoine Grignon et signature de Jérémie Marion (1656)

Les conditions demeurent les mêmes.

Charte-partie du 29 février 1656

Charte-partie du 10 avril 1656

(graphie contemporaine)

Sachent tous que par-devant Pierre Moreau, notaire, tabellion royal garde-notes héréditaire en la ville et gouvernement de La Rochelle.

Sachent tous que par-devant Pierre Moreau, notaire tabellion royal et garde-notes héréditaire en la ville et gouvernement de La Rochelle.

Personnellement établis les sieurs Nicolas Dupourtault l’aîné, René Ranconnet, Étienne Dhariette, marchands de cette ville, et Jérémie Marion, des Sables d’Olonne, tous bourgeois en partie et encore ledit Marion maître du navire nommé Le René, de cette dite ville, y étant de présent du port de quatre-vingt tonneaux ou environ, faisant tant pour eux que pour les sieurs René Bousseau, André Chardoublay et Maurice Quillon, aussi bourgeois en partie dudit navire demeurant audit lieu des Sables d’une part, et le sieur Antoine Grignon, aussi marchand de cette dite ville, d’autre part. Lesquelles parties, ès dits noms, de leurs bonnes et agréables volontés ont fait et passé entre elles le contrat de charte-partie qui suit. C’est à savoir que lesdits Dupourtault, Ranconnet, Dhariette et Marion ès dicts noms, ont loué et frété par ces présentes audit Grignon ce acceptant.

Personnellement établis Jérémie Marion, de La Chaume d’Olonne, bourgeois pour une seizième partie et maître après Dieu du navire nommé Le René, de cette ville, du port de quatre-vingt tonneaux ou environ, étant de présent à la rade de la Pallice. Lequel de son bon gré et volonté a loué et frété par ces présentes au sieur Antoine Grignon, marchand de cette dite ville, à ce présent et personnellement établi, stipulant et acceptant.

Savoir est ledit navire qu’ils ont dit être bien et dument étanche et propre à servir marchand au-dedans duquel icelui Grignon chargera en cette ville dans le vingt-cinquième mars prochain, pour tout délai, toutes et chacune les marchandises que bon lui semblera jusqu’à  sa compétente charge ou encombrement dont ledit maître en signera les connaissements qu’il mènera par après du premier temps convenable de droite route et à droite décharge sauf les périls et dangers de la mer au lieu de Québec, en la Nouvelle-France, où étant arrivé il séjournera deux mois qui commenceront du jour de l’arrivée dudit vaisseau audit lieu.

Savoir est ledit navire que ledit maître a dit être bien et dument étanche et propre à servir marchand au-dedans duquel il reconnaît avoir reçu dudit Grignon toutes et chacune les marchandises mentionnées par les connaissements qu’icelui maître en a signé qu’il promet et sera tenu mener et conduire Dieu aidant du premier temps convenable de droite route et à droite décharge sauf les périls et dangers de la mer au lieu de Québec, en la Nouvelle-France, où étant arrivé il séjournera deux mois qui commenceront du jour de l’arrivée dudit vaisseau audit lieu de Québec.

Et durant ledit temps, fera livraison desdites marchandises audit Grignon, ou à son ordre, et par après recevra dudit Grignon toutes les autres marchandises que bon lui semblera de lui délivrées aussi jusqu’à la compétente charge ou encombrement dudit navire.

Et durant ledit temps, fera livraison desdites marchandises audit Grignon, ou à son ordre, par après recevra dudit Grignon toutes les autres marchandises que bon lui semblera de lui délivrées aussi jusqu’à la compétente charge ou encombrement dudit navire.

Dont pareillement ledit maître en signera les connaissements et sera tenu les amener et conduire aussi du premier temps convenable de droite route et à droite décharge, sauf lesdites fortunes de mer, en cette dite ville où étant arrivé il en fera l’entière livraison audit Grignon ou à son ordre. Ce fait sera ledit maître quitte.

Dont pareillement, ledit maître en signera les connaissements. Lesquels il amènera aussi du premier temps convenable de droite route à droite décharge, sauf lesdites fortunes de mer, en cette dite ville, où étant arrivé il en fera l’entière livraison audit Grignon, ou à son ordre. Ce fait sera ledit maître quitte.

Le présent fret fait entre les parties moyennant la somme de huit mille livres tournois que ledit Grignon sera tenu bailler et payer aux dits bourgeois en cette ville dans un mois après ledit retour.

Le présent [fret] fait entre les parties moyennant la somme de huit mille livres tournois que ledit Grignon promet et sera tenu bailler et payer aux bourgeois dudit vaisseau en cette ville dans un mois après ledit retour.

Et toutefois est accordé qu’auparavant décharger lesdites marchandises du retour, icelui Grignon sera tenu bailler aux dits bourgeois bonne et suffisante caution pour la sûreté du paiement dudit fret.

Et toutefois est accordé qu’auparavant décharger lesdites marchandises du retour, icelui Grignon sera tenu bailler aux dits bourgeois bonne et suffisante caution pour la sûreté dudit paiement dudit fret.

Et outre, baillera ledit Grignon audit maître cinq pistoles pour son chapeau.

Et outre, baillera ledit Grignon audit maître cinq pistoles pour son chapeau.

Et au regard des passagers que ledit Grignon fera embarquer audit vaisseau, soit allant ou venant, icelui Grignon sera tenu de fournir les victuailles qu’il conviendra pour leur nourriture.

Et au regard des passagers que ledit Grignon fera embarquer audit vaisseau, soit allant que venant, icelui Grignon sera tenu de fournir les victuailles qu’il conviendra pour leur nourriture.

Comme aussi ledit Grignon sera tenu, auparavant aller audit voyage, bailler un cent de poudre à canon et un pavillon rouge pour le service dudit vaisseau.

Comme aussi ledit Grignon sera tenu, auparavant aller audit voyage, bailler un cent de poudre à canon et un pavillon rouge pour le service dudit vaisseau.

Quant aux avaries se payeront entre les parties aux us et coutumes de la mer.

Quant aux avaries se payeront entre les parties aux us et coutumes de la mer.

Et où il adviendrait perte ou dommage aux dites marchandises de l’aller et retour par la faute et coulpe dudit maître d’aucun de son équipage ou dudit navire, en ces cas et chacun d’iceux, ledit maître en son nom privé a promis et sera tenu ô tout y être payer et amender aux dits marchands au dire de gens à ce connaissant.

Et où il adviendrait perte ou dommage aux dites marchandises de l’aller et retour par la faute et coulpe dudit maître d’aucun de son équipage ou dudit navire, en ces cas et chacun d’iceux, ledit maître en son nom privé a promis et sera tenu ô tout y être payer et amender aux dits marchands au dire de gens à ce connaissant.

 

Ce moyennant ces présentes du consentement des parties demeure une autre charte-partie faite par-devant même notaire que ces présentes, le dernier jour de février dernier, entre les bourgeois dudit navire ledit grignon et ledit maître nulle et cassée.

Et pour l’effet et exécution des présentes, ledit maître a élu son domicile irrévocable en cette ville en la maison de résidence du sieur François Gire, marchand, située sur la grand rive pour y recevoir et valider &.

Et pour l’effet et exécution des présentes, ledit Marion, maître susdit, a élu son domicile irrévocable en cette ville en la maison de résidence du sieur François Gire, maître courtier, située sur la grand rive pour y recevoir tous commandements, sommations, protestations, exploits et autres actes de justice qu’il conviendra qu’il a dès à présent validés comme s’ils avaient été fait et donnés à sa propre personne et domicile ordinaire irrévocablement.

Tout ce que dessus les parties, ès dits noms, ont stipulé et accepté chacune pour leur regard. Et à se faire et accomplir par elles chacune en leur endroit sans venir au contraire à peine de tous dépens, dommages intérêts.

Tout ce que dessus les parties ont stipulé et accepté chacune pour leur regard. Et à se faire et accomplir par elles chacune en leur endroit sans venir au contraire à peine de tous dépens, dommages intérêts.

Obligeant respectivement, ès dits noms, tous et chacun leurs biens meubles et immeubles présents et à venir, spécialement et par exprès ledit navire, fret et marchandises sans que la généralité préjudice à la spécialité ni au contraire. Et outre, lesdits Grignon et Marion leurs personnes et de chacun d’eux à tenir prison comme pour deniers royaux. Renonçant &. Promis &. Juré &. Jugé &. Condamné &. Fait à La Rochelle dans l’étude dudit notaire, avant-midi, ce mardi dernier jour de février mille six cent cinquante-six. Présents Jean Combaud et François Gillois, clercs, demeurant en ladite Rochelle. Et a ledit Grignon déclaré ne savoir signer de ce requis, ainsi a marqué de sa marque ordinaire. Signatures.

Obligent respectivement tous et chacun leurs biens meubles et immeubles présents et à venir, spécialement et par exprès ledit navire, marchandises, fret et chapeau sans que la généralité préjudice à la spécialité. Et outre, lesdits Grignon et Marion leurs personnes et de chacun d’eux à tenir prison comme pour deniers royaux. Renonçant &. Promis &. Juré &. Jugé &. Condamné &. Fait à La Rochelle dans l’étude dudit notaire, après-midi, ce dixième jour d’avril mille six cent cinquante-six. Présents Jean Combaud et François Gillois, clercs, demeurant en ladite Rochelle. Et a ledit Grignon déclaré ne savoir signer de ce requis, ainsi a marqué de sa marque ordinaire. Et encore présent le sieur Jacques Massé, marchand de cette ville. Signatures.

Source : AD17. Notaire Pierre Moreau. 3E59/260, fol. 61.

Source : AD17. Notaire Pierre Moreau. 3E59/260, fol. 115, 116r.

Le départ

Le navire Le René quitte la rade de La Pallice, près de La Rochelle, vers la mi-avril.

De l’équipage, nous connaissons :

  • Jérémie Marion, maître, de La Chaume

Des passagers, nous connaissons :

  • Antoine Grignon, marchand, de La Rochelle

Sur les quatre navires connus, trois partent de La Rochelle et un de Rouen. Ils sont :

  • La Fortune (100-120 tx), de La Rochelle (capitaine Élie Raymond), frétée par Jacques Pépin et Paul Thévenin;
  • Le René (80 tx), de La Rochelle (capitaine Jérémie Marion), frété par Antoine Grignon;
  • Le Saint-Sébastien, de Rouen (capitaine Guillaume et Jean Poulet);
  • Le Taureau (150 tx), de La Rochelle (capitaine Élie Tadourneau), frété par François Peron.
Caractéristiques des navires composant la flotte de 1656 à destination de Québec.
(Source : Collection Guy Perron)

Les navires arrivent à bon port, écrit Marcel Trudel[6], et en nombre (comparativement à 1655[7]).

On n’avoit point vu, depuis vingt ans,

les vaisseaux arriver de si bonne heure

en ca païs cy, ny en plus grand nombre.

Lettre de Jean de Quen

7 septembre 1656

On en a vu cinq ou six tout à fois mouiller à la rade de Québec, écrit le jésuite de Quen, et cela dès le beau commencement du mois de juin[8].

Voilà notre joye commune

avec tous les habitans du païs.

Lettre de Jean de Quen

7 septembre 1656

Le retour

Après avoir déchargé leurs marchandises et en recharger d’autres, le navire Le René lève l’ancre pour la France au cours de l’automne 1656.

Malheureusement, aucun rapport n’a été retracé dans le Fonds Amirauté de La Rochelle faisant état des événements survenus pendant le voyage du navire Le René (80 tx) à Québec en 1656.


Pour citer cet article

Guy Perron©2024, « L’expédition du navire Le René pour Québec en 1656 », Le blogue de Guy Perron, publié le 31 janvier 2024.


[1] AD17. Notaire Pierre Moreau. 3E59/260, fol. 61. 29 février 1656.

[2] Une charte-partie est un acte constituant un contrat conclu de gré à gré entre un fréteur et un affréteur, dans lequel le fréteur met à disposition de l’affréteur un navire. Le nom vient de ce que le document était établi en deux exemplaires que l’on découpait par le milieu pour en remettre deux moitiés à chaque partie. Mémoire d’un port. La Rochelle et l’Atlantique XVIe-XIXe siècle. Musée du Nouveau Monde, La Rochelle, 1985, p. 25.

[3] Déclaration contenant un état des marchandises chargées sur un navire, le nom de ceux à qui elles appartiennent, l’indication des lieux où on les porte, et le prix du fret. Tous les connaissements sont signés par le capitaine et par l’armateur.

[4] Un pavillon rouge indique qu’un navire transporte des poudres.

[5] AD17. Notaire Pierre Moreau. 3E59/260, fol. 115, 116r. 10 avril 1656.

[6] Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, Montréal, Éditions Fides, vol. III : La seigneurie des Cent-Associés, t. 1 : Les événements, 1979, p. 235.

[7] La flotte de 1655 en direction de Québec a été une catastrophe puisque sur les cinq navires, deux seulement vont atteindre leur destination.

[8] Lettre de Jean de Quen, 7 septembre 1656, Québec. Relations des Jésuites, Québec, Augustin-Côté éditeur, vol. III, 1858, p. 1.

4 réflexions sur “383 – L’expédition du navire Le René pour Québec en 1656

  1. Karen Fontaine

    Question: What happened to the three missing ships in 1655 and were they ever discovered? (shipwrecks etc.)
    Also, regarding this quote…. « And furthermore, the said Grignon shall bail the said master five pistoles for his hat. » Does this mean that someone traded 5 guns/pistols for a hat?

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