188 – Les engagés levés par Antoine Grignon et Michel Pelletier pour le Canada en 1661

Après une année sabbatique dans la levée d’engagés pour la Nouvelle-France, celle de 1661 à La Rochelle est l’affaire des recruteurs suivants :

  • Jean Bourdon, sieur de Saint-François, de Québec;
  • Médard Chouart, sieur Des Groseilliers, général de la flotte des Outaouais (pour lui-même et François Lachapelle, de Trois-Rivières);
  • Antoine Grignon, marchand rochelais (pour Eustache Lambert, de Québec);
  • Emmanuel Le Borgne, marchand rochelais (pour le sieur du Coudray).
  • Michel Pelletier, sieur de la Prade, de Trois-Rivières (pour lui-même).

Erreur de transcription

Source : Debien, Gabriel. « Liste des engagés pour le Canada au XVIIe siècle (1634-1715) » dans RHAF, vol. 6, no 3, décembre 1952, p. 389-4390).
Lors de la transcription de l’article de Gabriel Debien dans la revue RHAF, il y a eu omission de la date « 1661 » occasionnant de nombreuses erreurs dans des sites web traitant de ce sujet.

Dans l’après-midi du mercredi 20 avril[1], le marinier nantais André Robidou, 25 ans, se présente dans l’étude du notaire rochelais Pierre Moreau (rue du Temple) pour convenir des conditions de son engagement pour la Nouvelle-France.

Il décline ses prénom et nom, son lieu d’origine, son âge et sa profession. Le notaire écrit le salaire annuel. Aucune avance accordée. L’engagiste et l’engagé marquent de leur « marque ordinaire ».

Robidou promet d’aller travailler pendant trois ans au service d’Eustache Lambert, habitant de Québec. Il sera nourri durant son passage et le temps de son engagement.

Trois semaines plus tard, dans l’avant-midi du vendredi 6 mai 1661[2], deux autres engagés se présentent dans l’étude du notaire Moreau : les charpentiers de gros œuvres rochelais Abraham Callaud (maître) et Daniel Chaigneau (garçon). Ils s’engagent à aller travailler pendant trois ans au Canada, soit à Québec ou à Trois-Rivières, au service de Michel Pelletier sieur de la Prade, habitant de Trois-Rivières.

Comme à l’habitude, les nouveaux engagés déclinent leurs prénom et nom, leur lieu d’origine et leur profession, sans mentionner leur âge. Le notaire Moreau écrit leur salaire annuel ainsi que l’avance accordée. Ils seront nourris durant leur passage et le temps de leur engagement.

Il est précisé que Callaud apportera ses outils qui serviront aussi à Chaigneau. Si les outils doivent être réparés et aiguisés, au bout des trois années, les dépenses seront aux frais de Pelletier.

Voici le contrat d’engagement entre Michel Pelletier sieur de la Prade et Abraham Callaud et Daniel Chaigneau en 1661.

Servitude [d’Abraham] Callaud et [Daniel] Chaigneau à de la Prade.

(graphie contemporaine)

Sachent tous que par-devant Pierre Moreau, notaire, tabellion royal et garde-note héréditaire en la ville et gouvernement de la Rochelle. Ont été présents et personnellement établis Abraham Callaud, maître charpentier de gros œuvres, et Daniel Chaigneau, garçon charpentier aussi de gros œuvres, demeurant en cette ville de La Rochelle d’une part. Et Michel Pelletier sieur de la Prade, habitant des Trois-Rivières, pays de la Nouvelle-France d’autre part. Lesquelles parties ont volontairement fait entre eux le marché qui s’ensuit. C’est à savoir que lesdits Callaud et Chaigneau se sont loués et louent par ces présentes audit de la Prade pour aller le servir à travailler de ladite vacation de charpentier X ou autres de lui ayant charge en Canada, à Québec ou aux Trois-Rivières, durant trois années entières et consécutives et sans intervalle de temps qui commenceront du jour qu’ils arriveront audit pays de Canada et finiront à pareil jour ledit temps fini et révolu. Et à fin d’y aller, ledit de la Prade les fera embarquer dans un vaisseau, les nourrira durant leur dit passage et desdites trois années. Et outre, leur baillera pour leurs loyers de chacune année, savoir audit Callaud cent livres et audit Chaigneau soixante-et-quinze livres ainsi que chacune année échera. Sur quoi, toutefois, sera déduit et rabattu, savoir audit Callaud soixante-et-dix livres et audit Chaigneau trente livres qu’ils reconnaissent avoir chacun, en droit soit, reçu dudit sieur de la Prade dont ils ne lui en payeront aucuns intérêts. En considération de ce que ledit Callaud a des outils à lui appartenant, qu’il portera audit pays de Canada, desquels lui et ledit Chaigneau se trouveront à travailler durant lesdites trois années, à la fin desquelles ledit Callaud prendra ses dits outils et ferrement mais, si pendant ledit temps il les convient de raccommoder et aiguiser, se fera aux dépens dudit sieur de la Prade. Car ainsi a été avec tout ce que dessus stipulé et accepte par les parties chacune pour leur regard. Et à ce faire et accomplir par elles chacune en leur endroit sans venir au contraire, à peine de &. Obligeant respectivement tous leurs biens et spécialement lesdits serviteurs leurs loyers.         Et outre, leur personne et de chacun d’eux à tenir prison &. Renonçant &. Promis &. Juré &. Jugé &. Condamné &. Fait à la Rochelle dans l’étude dudit notaire avant-midi, le sixième jour de mai mille six cent soixante-et-un. Présents P Combauld et Étienne Goislard, clercs, demeurant en ladite Rochelle. Et a ledit Callaud déclaré ne savoir signer de ce requis. X et autres choses que ledit sieur de la Prade leur commandera. Signatures.
Contrat d’engagement d’Abraham Callaud et Daniel Chaigneau pour le Canada. 6 mai 1661.
(Source : AD17. Notaire Pierre Moreau. R 3E59/265, fol. 106v)

Qui sont ces engagés de 1661 ?

Abraham Callaud André Robidou
Daniel Chaigneau
Tableau des engagés levés par Antoine Grignon en 1661.
(Source : Collection Guy Perron)
Tableau des engagés levés par Michel Pelletier sieur de la Prade en 1661.
(Source : Collection Guy Perron)

Deux engagés sont originaires de l’Aunis et un de la Bretagne.

Origine des engagés levés par Antoine Grignon et Michel Pelletier sieur de la Prade en 1661.
(Source : Collection Guy Perron)

Il est probable que les trois engagés embarquent à bord du navire Le Taureau (150 tx), puisque, le 3 juin[3], le marchand François Peron (¾) et le capitaine Élie Tadourneau (¼) promettent recevoir à bord de leur navire jusqu’à 60 à 70 passagers pour le compte de la Compagnie de Normandie.

Si tel est le cas, le navire Le Taureau lève l’ancre, met les voiles puis quitte La Rochelle à la fin du mois de juin. Il arrive à Québec le 24 août suivant.

Que sont-ils devenus ?

Un engagé (33,3 %) reste en Nouvelle-France, avec ou sans descendance : Robidou.

Un engagé (33,3 %) n’a pas atteint Québec : Chaigneau.

Un engagé (33,3 %) retourne en France dès son engagement terminé ou peu après : Callaud (1669).

CALLAUD, Abraham

(     –     )

Originaire de La Rochelle (Aunis), Abraham Callaud s’engage, le 6 mai 1661, pour aller travailler en Nouvelle-France au service de Michel Pelletier sieur de la Prade, ou tel autre, durant trois ans à titre de maître charpentier de gros œuvre, à raison de 100 livres (avance de 70 livres). Ne signe pas. Il quitte La Rochelle en juin probablement à bord du navire Le Taureau à destination de Québec où il arrive le 24 août suivant. Le 1er janvier 1662, il contracte une obligation avec François Pillet. Après une transaction avec Michel Pelletier de la Prade, le 12 novembre suivant, il obtient sa liberté à cause de l`arrivée récente de Marie Fortier, sa femme, et de ses deux enfants. Par la suite, il construit une grange et des maisons. Confirmé au Cap-de-la-Madeleine, le 1er mai 1664, sous le prénom de Pierre-Abraham. En 1667, on le retrouve dans la seigneurie de Saint-Éloi et de Batiscan. Semble repartir en France avec sa famille après 1669.

Extrait. Engagement d’Abraham Callaud. 6 mai 1661.
(Source : AD17. Notaire Pierre Moreau. Registre 3E59/265, fol. 106v)

CHAIGNEAU, Daniel

(     –     )

Originaire de La Rochelle (Aunis), Daniel Chaigneau s’engage, le 6 mai 1661, pour aller travailler en Nouvelle-France au service de Michel Pelletier sieur de la Prade, ou tel autre, durant trois ans à titre de garçon charpentier de gros œuvre, à raison de 75 livres (avance de 30 livres). Signe. Il quitte La Rochelle en juin probablement à bord du navire Le Taureau à destination de Québec où il arrive le 24 août suivant. On ne sait pas s’il est venu.

Extrait. Engagement de Daniel Chaigneau. 6 mai 1661.
(Source : AD17. Notaire Pierre Moreau. Registre 3E59/265, fol. 106v)

ROBIDOU dit l’Espagnol, André

(c.1636-1678)

Se disant originaire de Nantes (Bretagne), André « Roberdou » s’engage à 25 ans à Antoine Grignon, le 20 avril 1661, pour aller travailler en Nouvelle-France au service d’Eustache Lambert, ou tel autre, durant trois ans à titre de marinier, à raison de 80 livres. Ne signe pas mais fait sa marque. Il quitte La Rochelle en juin probablement à bord du navire Le Taureau à destination de Québec où il arrive le 24 août suivant. En 1664, il reçoit des religieuses de l’Hôtel-Dieu de Québec une concession de terre à Lauzon. En 1666, on le retrouve à Québec, alors matelot demeurant chez Eustache Lambert. Fils d’Emmanuel Robidou et de Catherine Alve, de Sainte-Marie-en-Galice, évêché de Burgos (Espagne), André Robidou épouse, le 7 juin 1667, Jeanne Denot (fille du roi de 1666), fille d’Antoine Denot et de Catherine Leduc, de la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois à Paris. De leur union vont naître cinq enfants. Il va s’établir à La Prairie en 1670 et est inhumé le 1er avril 1678.
Extrait. Engagement d’André Robidou. 20 avril 1661.
(Source : AD17. Notaire Pierre Moreau. Registre 3E59/265, fol. 93r)


[1] AD17. Notaire Pierre Moreau. Registre 3E59/265, fol. 93r.
[2] AD17. Notaire Pierre Moreau. Registre 3E259/265, fol. 106.
[3] AD17. Notaire Abel Cherbonnier. 3 E 1128. 3 juin 1661.

Une réflexion sur “188 – Les engagés levés par Antoine Grignon et Michel Pelletier pour le Canada en 1661

  1. André POTVIN

    -Je tiens à vous adresser, M. Perron, le plus grand merci pour TOUS vos bulletins sur votre blogue!
    -J’apprends beaucoup grâce au partage que vous faites de vos recherches approfondies. Aujourd’hui, j’en apprends un peu plus sur le truculent personnage Des Groseillers qui nous avait été rendu bien sympathique lorsque personnifié par René Caron dans la série Radisson (les plus vieux s’en souviendront). C’était tout un numéro: il avait eu une aventure ( et un enfant) avec mon aïeule Marie-Thérèse Viel, fille du Roy, pourtant déjà mariée et mère de 3 enfants; les actes du procès sont à lire.
    ***Enfin, je suis à la recherche de données concernant l’embauche de mon ancêtre Pierre Maupetit (Fontenay-le-Comte 1647- Lachine 1689). Selon Isabelle Beaussy, que vous connaissez et dont je ne réussis pas à trouver le manuscrit de mémoire de Maîtrise malgré des efforts assidus, Pierre Maupetit aurait quitté la France en ou après 1672. On ne le retrouve qu’au début 1678 en Nouvelle-France lorsque les Sulpiciens lui ont donné une terre de 60 arpents à l’endroit où se trouve l’hôtel de ville de Baie d’Urfé. J’ignore s’il a eu un contrat, s’il est venu par ses propres moyens, quand il est parti de Fontenay-le-Comte, s’il s’est embarqué à la Rochelle, ce qu’il a fait juste avant 1672 et entre 1672 et 1678. Auriez-vous quelques données à son sujet que je puisse utiliser dans l’histoire que je suis en train d’écrire à son sujet?
    Merci l’avance et Joyeux Noël
    André Potvin
    andpotvin@outlook.com

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