74 – Les cimetières catholiques de La Rochelle au 17e siècle

Au 17e siècle, La Rochelle compte plusieurs cimetières tant catholiques que protestants. Leur construction est bien antérieure aux registres paroissiaux et pastoraux de sépultures (sauf pour le cimetière de Saint-Nicolas).

Par exemple, même si le registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame-de-Cougnes commence en juillet 1636, on sait que le cimetière paroissial existe bien avant (15e siècle[1]). Il en est de même pour les protestants dont les sépultures sont enregistrées qu’à compter de septembre 1631.

Malgré le peu d’informations sur le sujet, voici une description de chacun des cimetières catholiques rochelais ayant servi au 17e siècle. Qu’en est-il des lieux de dernier repos de nos ancêtres ?

Cimetière de Notre-Dame-de-Cougnes

Le cimetière de Notre-Dame est situé derrière l’église paroissiale à l’emplacement de l’actuel stationnement Notre-Dame. Il est cité lors d’un événement de 1491[2] !

Le premier registre des sépultures de la paroisse Notre-Dame s’ouvre en juillet 1636.

Cimetière de Saint-Jean-du-Perrot

Ce cimetière est situé près de l’église paroissiale Saint-Jean-du-Perrot, aujourd’hui détruite (seul le clocher subsiste). Il est entouré de tous côtés par des murs de sept à huit pieds d’élévation, bordés de grands lauriers. Il est coupé en croix par deux allées de marronniers, au centre desquelles, écrit J.-B.-E. Jourdan[3], s’élève une grande croix de pierre avec trois marches, et la grande porte d’entrée est surmontée d’une croix de pierre avec un Christ sculpté.

Extrait. Plan de La Rochelle. Emplacement du cimetière de Saint-Jean-du-Perrot. 1573. Le cimetière (35) et les vestiges de l’église Saint-Jean-du-Perrot (34). (Source : Musée maritime de La Rochelle. Photo : Collection Guy Perron)
Extrait. Plan de La Rochelle. Emplacement du cimetière de Saint-Jean-du-Perrot. 1573.
Le cimetière (35) et les vestiges de l’église Saint-Jean-du-Perrot (34).
(Source : Musée maritime de La Rochelle. Photo : Collection Guy Perron)

Le premier registre des sépultures de la paroisse Saint-Jean-du-Perrot s’ouvre en mai 1632.

Le « cimetière du Perrot » a longtemps servi aux protestants. Il est rendu aux catholiques en 1685 à la suite de la démolition du temple de la Villeneuve.

Dans l’intérêt de la salubrité du quartier, le cimetière est converti en place publique, aujourd’hui place de la Préfecture.

Cimetière de Saint-Nicolas

En 1656, la fabrique et les habitants catholiques de la paroisse Saint-Sauveur se plaignent que leur cimetière et de trop petite étendue pour continuer à recevoir et enterrer les corps des paroissiens de Saint-Nicolas. Ce sujet est discuté à une assemblée tenue entre le curé de Saint-Nicolas et ses paroissiens catholiques.

Pour remédier à la situation, on juge à propos de faire renfermer de murailles, à hauteur convenable, une partie de la place où autrefois étaient l’église et le cimetière, près de la porte Saint-Nicolas, pour servir de cimetière et y enterrer leurs corps. Le 13 juin 1656[4], une requête est expédiée en ce sens aux juges magistrats de la police de La Rochelle pour visiter les lieux.

Procès-verbal de l’enlignement d’une place pour servir de cimetière à la paroisse Saint-Nicolas. (Source : AMLR. DDARCHAN32. Cimetières. Pièce 1. 19 mai 1657)
Procès-verbal de l’enlignement d’une place pour servir de cimetière à la paroisse Saint-Nicolas.
(Source : AM17. DDARCHAN32. Cimetières. Pièce 1. 19 mai 1657)

Un an plus tard, le 19 mai 1657[5], le greffier de la police dresse son procès-verbal dans lequel il expose que la place toisera 27 x 96 pieds.

Avec l’assistance de Joseph Lebas, prêtre de l’Oratoire, le cimetière de Saint-Nicolas est béni le 16 juin 1658 en présence de plusieurs paroissiens.

 Bénédiction du cimetière de Saint-Nicolas

Bénédiction du cimetière de Saint-Nicolas. 16 juin 1658.

Le 17 Juin 1658 a este Inhumee au cimetierre de s[ain]t nicolas _
que nous benismes hier seize Juin Jour de Dimanche _
apres vespres processionnellem[en]t avec Lassistance de _
r[évérend] p[ère] Joseph bas p[rê]tre de Loratoire de Messieurs Michel _
feutre, Sendrat Bourget et Corrin p[rê]tres et plusieurs _
parroissiens. Le 1er de tous a este enterré nicolas _
fils de Guillaume Bernard et de Marie Condreau _
ses pere et mere aagé de dix ans. _

(Source : AD17 en ligne. I GG379. La Rochelle. Collection communale. Paroissial. Sépultures, 1665-1667. Vue 19/29)

Le premier registre des sépultures de la paroisse de Saint-Nicolas s’ouvre en juin 1654. Entre cette dernière date et la bénédiction du cimetière, les paroissiens de Saint-Nicolas enterrent leurs morts dans le cimetière de Saint-Sauveur.

En 1654, les fabriqueurs poursuivent un nommé Regnault qui possède un terrain, disent-ils, appartenant à l’église Saint-Nicolas. Il s’agit de l’emplacement du grand (adultes) et petit cimetière (enfants). Ils assurent que ce terrain a toujours été à la fabrique, même après que l’église fut renversée par les protestant en 1588 « qui avaient fait construire dans l’emplacement du petit cimetière une échelle de cavalier pour défendre la ville et pour la défense de la porte Saint-Nicolas[6] ».

En 1720, l’église Saint-Nicolas est agrandie, d’où l’empiètement du terrain du cimetière qui devient trop petit. Il faut donc trouver un autre lieu pour le nouveau cimetière qui sera situé entre les rues du Duc et Saint-Claude[7].

Cimetière de Saint-Sauveur

Situé entre la rue de la Ferté et la place de l’Arsenal, le cimetière de Saint-Sauveur existe au moins depuis 1531. Cette année-là, le lieutenant général rend une ordonnance autorisant les fabriqueurs et paroissiens de Saint-Sauveur à agrandir leur église du côté du cimetière de la paroisse en jetant sur la rue de la Ferté un arceau de quatorze pieds de largeur et de dix pieds de hauteur[8]. À cet effet, le corps de ville leur donne la permission de transporter un peu plus loin l’escalier de pierre placé au coin du cimetière, servant à monter sur la muraille de la ville. Cependant, rien indique que ces travaux sont faits.

Extrait. Plan de La Rochelle. Emplacement du cimetière de Saint-Sauveur. 1573. Le cimetière et le clocher de l’église Saint-Sauveur (24). (Source : Musée maritime de La Rochelle. Photo : Collection Guy Perron)
Extrait. Plan de La Rochelle. Emplacement du cimetière de Saint-Sauveur. 1573.
Le cimetière et le clocher de l’église Saint-Sauveur (24).
(Source : Musée maritime de La Rochelle. Photo : Collection Guy Perron)

À l’époque de la construction de l’Arsenal (1786-1787), des maisons s’adossaient au mur du cimetière de Saint-Sauveur. Ce mur est abandonné pour l’aménagement d’un stationnement.

Le premier registre des sépultures de la paroisse de Saint-Sauveur s’ouvre en janvier 1668.

Cimetières de Sainte-Anne et de Saint-Barthelémy

À cette époque, la paroisse Saint-Barthelémy compte deux cimetières.

L’un, appelé cimetière Sainte-Anne[9] ou grand cimetière, est établit sur un terrain de deux arpents d’étendue (entre les rues Pernelle et Saint-Côme) dépendant des vergers de l’hôpital Saint-Barthelémy (ou Aufrédy), et dont l’ancienne porte se distingue très bien encore dans le mur du jardin de l’hôpital qui longe la petite rue de l’Évêché (aujourd’hui rue Pernelle)[10]. Les travaux exécuté à cet emplacement ont ramené au jour des os humains et des bois de cercueils[11].

La porte du jardin de l’hôpital Saint-Barthelémy sur la rue Pernelle. (Source : Google Street View)
La porte du jardin de l’hôpital Saint-Barthelémy sur la rue Pernelle.
(Source : Google Street View)
Cimetière de Saint-Barthelémy. (Source : Père B. Coutant, Les rues Grosse Horloge, Chef-de-Ville, du Palais, Chaudrier, Admyrault, de l’Escale, Fromentin, Saint-Léonard, La Rochelle, s.é., cahier no 2, s.d., p. 24bis)
Cimetière de Saint-Barthelémy.
(Source : Père B. Coutant, Les rues Grosse Horloge, Chef-de-Ville, du Palais, Chaudrier, etc., La Rochelle, s.é., cahier no 2, s.d., p. 24bis)

L’autre, nommé le petit cimetière, sur une partie duquel a été construite la seconde église Saint-Barthelémy, aujourd’hui détruite[12]. Il se situe entre l’église et la petite rue de l’Évêché (rue Pernelle) au bout duquel se trouve le jardin du curé[13].

Selon J.-B.-E. Jourdan[14], les principaux paroissiens sont inhumés dans l’église même; que les personnes riches, mais d’une condition moins relevée, sont enterrées dans le cimetière contigu à l’église, et que les gens du peuple sont relégués dans le cimetière de Sainte-Anne.

Le premier registre des sépultures de la paroisse de Saint-Barthelémy s’ouvre en juin 1630.

 Cimetières de la paroisse Saint-Barthelémy
Physionomie du quartier sud de la place du Château au 17e siècle (dessiné par Claude Masse) et de la place de Verdun actuelle.
A : cimetière de Sainte-Anne E : porte du jardin de l’hôpital
B : cimetière de Saint-Barthelémy F : vielle Porte Neuve
C : chapelle Sainte-Anne G : Grand Temple
D : hôpital Saint-Barthélemy (Aufrédy) H : place du Château / place de Verdun
Source : Bibliothèque de l’Inspection du génie, ms 504 (alias fo 131g), folio 76, fig. 11. Publié dans La Cathédrale de La Rochelle, Poitiers, Ministère de la Culture, 1985, p. 2. Source : Google Earth.

Cimetière des soldats

Situé au coin nord-ouest du clos de l’hôpital Saint-Barthelémy, le cimetière des soldats est devenu dangereux pour la salubrité de l’air « qu’il pollue de ses miasmes » vu la quantité de corps qu’on y enterre[15].

C’est pourquoi, un terrain est acheté en 1734, hors les murs, près du pavé de la Porte-Neuve « pour servir de cimetière et enterrer les morts de l’hôpital Saint-Barthelémy ». Au milieu de ce nouveau cimetière se dresse une croix de chêne de dix pieds de hauteur montée sur un simple marchepied de pierre.

Cimetière de la pointe de Coureilles

Pendant le Siège de La Rochelle (1627-1628), les bons serviteurs décédés « au service du roi » sont inhumés dans un cimetière situé à la pointe de Coureilles[16].

En leur mémoire, désirant conserver ce cimetière et la chapelle dans laquelle les religieux Minimes ont célébré continuellement le service divin, administré et mis en terre les gens de guerre (et aussi des religieux), le roi ordonne qu’en ce lieu soit construit un couvent de religieux de l’ordre des Minimes.

Le cimetière (18) et le couvent des Minimes (36). (Source : Plan des Minimes)
Le cimetière (18) et le couvent des Minimes (36).
(Source : Les Minimes. Aujourd’hui, Hier, Autrefois, La Rochelle)

Des lettres patentes de Louis XIII, du 20 mars 1634, tout en confirmant le don ci-dessus, autorise ces religieux à couper 24 arpents de bois dans la forêt d’Aulnay « pour faire bâtir leur couvent ». C’est ainsi que la pointe de Coureilles prend le nom de pointe des Minimes[17].

Cimetière municipal de Saint-Éloi

En 1778, un rapport mentionne que, dans le cimetière de Saint-Sauveur, des « cadavres y sont entassés les uns sur les autres comme dans un charnier »; qu’il est urgent de renoncer à enterrer dans ce cimetière, sous peine de compromettre la santé publique et d’occasionner des maladies épidémiques[18]. Les autres cimetières présentent aussi les mêmes causes d’insalubrité.

Par contre, ce n’est qu’en janvier 1794 qu’un scellé est apposé sur les portes des cimetières de Notre-Dame, de Saint-Sauveur, de Saint-Barthelémy, de Saint-Jean et des cimetières protestants, tous situés dans l’enceinte de la ville[19], et le cimetière des soldats. Ils sont désacralisés au profit du nouveau cimetière général de la commune : le cimetière municipal de Saint-Éloi.


[1] Louis-Étienne Arcère, Histoire de La Rochelle et du pays d’Aunis, La Rochelle, R.-J. Desbordes, vol. 1, 1756, p. 293.
[2] Loc. cit.
[3] J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides historiques de La Rochelle, La Rochelle, A. Siret, deuxième volume, 1871, p. 373.
[4] AM17. DDARCHAN32. Cimetières. Pièce 1. 13 juin 1656.
[5] AM17. DDARCHAN32. Cimetières. Pièce 1. 19 mai 1657.
[6] Père B. Coutant, Le quartier Saint-Nicolas, La Rochelle, s.é., cahier no 8, 1981, 8, p. 128.
[7] Père B. Coutant, op. cit., p. 129.
[8] J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides historiques de La Rochelle, La Rochelle, A. Siret, premier volume, 1861, p. 197.
[9] Le cimetière jouxtait la chapelle Sainte-Anne, d’où son nom. Cette chapelle est démolie après le mois d’août 1668. Père B. Coutant, La Place d’Armes, La Rochelle, s.é., cahier no 10, 1983, p. 20.
[10] J.-B.-E. Jourdan, deuxième volume, op. cit., p. 463.
[11] Père B. Coutant, op. cit., p. 20.
[12] J.-B.-E. Jourdan, deuxième volume, op. cit., p. 463.
[13] J.-B.-E. Jourdan, premier volume, op. cit., p. 208.
[14] J.-B.-E. Jourdan, deuxième volume, op. cit., p. 463.
[15] Père B. Coutant, op. cit., p. 18-19.
[16] Louis Delayant, Histoire des Rochelais, La Rochelle, A. Siret, vol. 2, p. 82.
[17] J.-B.-E. Jourdan, premier volume, op. cit., p. 76-77.
[18] J.-B.-E. Jourdan, deuxième volume, op. cit., p. 257.
[19] Ibid., p. 14.

4 réflexions sur “74 – Les cimetières catholiques de La Rochelle au 17e siècle

  1. Louise Trudeau

    Très intéressant. En particulier au sujet du cimetière Notre-Dame où furent inhumés François Truteau et Catherine Matinier, les parents d’Étienne Truteau (1641-1712) mon ancêtre français.
    Selon vos explications, le cimetière Notre-Dame se trouvait derrière l’église du même nom (après les guerres de religion longtemps en reconstruction) donc à l’extérieur des fortifications de La Rochelle que l’on appelait communément « la Couronne ». Sur le côté de l’église, on aperçoit encore l’attache de l’ancienne porte qui en faisait partie. Durant la reconstruction de l’église Notre-Dame, les cérémonies religieuses se déroulent non loin de là, à la Chapelle Sainte-Marguerite, là où furent baptisés les enfants Truteau.

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