Après avoir décrit chacun des cimetières catholiques rochelais ayant servi au 17e siècle, qu’en est-il des lieux de dernier repos de nos ancêtres protestants ?
Contrairement aux paroisses catholiques qui possèdent au moins un cimetière pour l’enterrement de leurs ouailles, il en est autrement pour les protestants.
À la Rochelle, le culte protestant est célébré dans diverses salles (ou temples) au fil du temps… et des événements…
REGISTRES PASTORAUX DE LA ROCHELLE 1561-1684 |
||||
Compilation effectuée par Guy Perron (avril 2015) |
||||
Salle(s) |
Baptêmes | Mariages | Sépultures |
Réceptions |
Saint-Michel et Gargoulleau | 1561-1566 1563-1575 |
1563-1564 1563-1568 1573-1575 |
1563-1567 1570 |
|
Gargoulleau | 1563-1566 1572-1574 1574-1581 1581-1587 |
1572-1574 1574-1582 1587-1583 |
1572-1574 1574-1583 1587-1593 |
|
Saint-Michel et Sainte-Marguerite | 1585-1589 | |||
Gargoulleau et Sainte-Marguerite | 1587-1595 | |||
Saint-Michel | 1595-1612 | 1595-1612 | 1595-1612 | |
Saint-Yon | 1573-1594 1601-1630 |
1573-1575 1577-1594 1601-1605 1612-1616 |
1583-1587 1612-1618 |
|
Sainte-Marguerite et Saint-Yon | 1621-1630 | 1621-1630 | ||
Grand Temple | 1603-1622 | 1603-1603 1610-1622 |
1631-1684 | 1630-1658 |
Villeneuve | 1630-1684 | 1630-1684 | ||
Saint-Sauveur protestant | 1668 1674-1684 |
1668 1674-1684 |
1668 1674-1684 |
|
Non précisé | 1566-1569 | 1606-1620 1620-1630 |
1567-1569 1616-1620 1624-1630 |
|
Source : AD17 en ligne. |
Si les protestants rochelais veulent demeurer maîtres des cimetières après l’édit de Nantes (1598), ce n’est pas pour en exclure les catholiques qui pourraient y être enterrés. C’est qu’ils ont des raisons de croire que les catholiques vont les exclurent de leurs cimetières s’ils en ont la propriété[1]. Ils avaient raison !
Les catholiques vont s’emparer de tous les cimetières après le Grand Siège de La Rochelle (1627-1628)[2]. Une ordonnance (1630) de l’intendant Gaspard Coignet, sieur de la Thuillerie, défend même aux protestants d’ensevelir leurs morts dans les cimetières des catholiques sous peine d’exhumation et d’une amende de 500 livres. Par contre, le « cimetière du Perrot » est abandonné aux protestants.
En 1631, les protestants commencent à enterrer leurs morts dans le nouveau cimetière de la Villeneuve qui est bientôt rempli ! En décembre 1635, ils obtiennent un nouvel emplacement vis-à-vis la rue Chef-de-Ville.
Cimetière du Perrot (1628-1630, 1647-1685)
Ce cimetière est situé près de l’église paroissiale Saint-Jean-du-Perrot. Il est entouré de tous côtés par des murs de sept à huit pieds d’élévation, bordés de grands lauriers. Il est coupé en croix par deux allées de marronniers, au centre desquelles, écrit J.-B.-E. Jourdan[3], s’élève une grande croix de pierre avec trois marches, et la grande porte d’entrée est surmontée d’une croix de pierre avec un Christ sculpté.

Le cimetière (49) et les vestiges de l’église Saint-Jean-du-Perrot (25).
(Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 9)
Par arrêt du Conseil d’État, en 1647, les protestants sont maintenus en possession de leur cimetière de Saint-Jean-du-Perrot, moyennant une rente de 30 livres aux hospitaliers de l’hôpital Saint-Barthelémy de la Charité de La Rochelle[4]. Le cimetière est rendu aux catholiques en 1685 à la suite de la démolition du temple de la Villeneuve.
Dans l’intérêt de la salubrité du quartier, le cimetière est converti en place publique, aujourd’hui place de la Préfecture.
Cimetière de la Villeneuve
En 1630, en présence du sieur de la Thuillerie et par ordre du roi, les protestants prennent possession de l’emplacement du temple de la Villeneuve et de la place du cimetière située à l’arrière[5].
Le premier registre des sépultures du temple de la Villeneuve s’ouvre en septembre 1631.
À la lecture de cet intitulé, on constate que les protestants sont enterrés au cimetière de la Villeneuve dès septembre 1631 et à celui du Perrot « quoique longtemps après », soit à partir de 1647.

(Source : Émile Couneau, La Rochelle disparue, La Rochelle, Alain Thomas, tome IV, 1999, p. 377)

Le prêche ou temple (A), le cimetière (B), grandes places (D) autour du prêche.
(Source : Claude Masse, Recueil des plans de La Rochelle, La Rochelle, éditions Rupella, 1979, feuille 76)
Ancien cimetière RPR
Le cimetière de la Villeneuve devenant tellement restreint, qu’au mois de décembre 1635 les protestants rochelais obtiennent de l’intendant de Villemontée un nouvel emplacement pour enterrer leurs morts[6]. Les protestants vont payer 30 livres de rentes pour cette possession : d’abord au duc de Saint-Simon, à cause de son fief de Saint-Louis, puis aux frères de la Charité qui revendiqueront plus tard la propriété de ce terrain[7].
Selon nos recherches, ce cimetière ne semble pas avoir eu de dénomination précise. Nous retenons la dénomination du père Coutant « Ancien cimetière RPR » (ancien cimetière de la Religion Prétendue Réformée). Il est situé à l’ouest de la rue Porte-Neuve (rue Réaumur actuelle, anciennement rue de l’Escale), entre le canal de la Verdière (aujourd’hui rue Léonce Vieljeux) et l’angle nord de la rue Chef-de-Ville[8].

(Source : Père B. Coutant, La Rochelle, essais sur la naissance d’un quartier 1628-1689, La Rochelle, s.é., cahier no 1, s.d., p. 14)
Ce cimetière est entouré de murs, laissant entre lui le canal de la Verdière, un passage de 8 à 10 pieds pour aller dans le reste du terrain, derrière, « parce que la terre tombe par endroit dans le ruisseau ». Ce cimetière, de forme carrée, a 25 toises de côté, de murs à murs, intérieurement[9].
Un jugement de la cour de céans de La Rochelle ordonne la démolition de la muraille qui renferme le cimetière si elle n’est pas enlignée avec les maisons bâties sur la rue de L’Escale (aujourd’hui rue Réaumur).

(Source : Père B. Coutant, La Rochelle, essais sur la naissance d’un quartier 1628-1689, La Rochelle, s.é., cahier no 1, s.d., p. 15)
Le 4 avril 1657[10], le greffier de la police de La Rochelle dresse son procès-verbal après avoir été sur les lieux à la requête de François Leroy et Étienne Pepin, représentant le Consistoire. Pour satisfaire au jugement, Leroy et Pepin sont accompagnés de Reveau, pour le procureur du roi, du greffier Gillet et d’André Quesneau, maître maçon et tailleur de pierre.
Selon eux, cette muraille doit être démolie et rebâtie « en droite ligne et à plomb » de niveau avec les maisons, c’est-à-dire du coin de la maison de Germain Cothonneau l’aîné jusqu’au coin de la muraille du « renclos » des religieux Carmes. Il est permis aux protestants de faire deux portes dans la nouvelle muraille, pour avoir une sortie sur la rue de L’Escale, ainsi qu’une boutique et un petit logement au-dessus, dans le cimetière du côté de la maison de Cothonneau.
Le cimetière va disparaître après la révocation de l’édit de Nantes (1685).
Déjà en 1711, une maison est bâtie à cet endroit. Aujourd’hui, c’est la Banque de France qui occupe l’emplacement de l’ancien cimetière RPR.

(Source : Google Earth)
![]() |
![]() |
La Banque de France située à l’angle des rues Réaumur et Léonce-Vieljeux. (Source : Collection Guy Perron) |
[1] Louis Delmas, L’église réformée de La Rochelle. Étude historique, Toulouse, Société des livres religieux, 1870, p. 149-150.
[2] Louis Delayant, Histoire des Rochelais, La Rochelle, A. Siret, vol. 2, p. 98.
[3] J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides historiques de La Rochelle, La Rochelle, A. Siret, deuxième volume, 1871, p. 373.
[4] Louis Delmas, op. cit., p. 427.
[5] Abraham Tessereau, Histoire des Réformés de La Rochelle depuis l’année 1660 jusqu’à l’année 1685, Amsterdam, veuve Pierre Savouret, 1689, p. 313.
[6] J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides historiques de La Rochelle, La Rochelle, A. Siret, premier volume, 1861, p. 428.
[7] Loc. cit.
[8] Louis Delmas, op. cit., p. 198.
[9] Père B. Coutant, La Rochelle, essais sur la naissance d’un quartier 1628-1689, La Rochelle, s.é., cahier no 1, s.d., p. 14.
[10] AM17. DDARCHAN32. Cimetières. Pièce 2. 4 avril 1657.