391 – Arrêté injustement en public à La Rochelle en 1698

Le mardi 6 mai 1698, sur les sept heures du soir, Jean Donat se présente dans l’étude du notaire rochelais Antoine Bagard, située sur la rue de la Juiverie (aujourd’hui rue Admyrault) pour faire rédiger un acte de protestation contre le marchand François Bérault.

Conseiller du roi et directeur de la monnaie à La Rochelle, Donat expose au notaire ce qui lui est arrivé trois heures plus tôt.

Ainsi, vers les quatre heures de l’après-midi, il a été surpris de se voir attaqué et emmené par trois huissiers et archer et ce, sans signification ni acte de justice. Il se sont saisis violemment de sa personne, raconte-t-il au notaire, et l’ont fait passer scandaleusement par plusieurs rues de la ville, ce qui est très humiliant pour un homme de son rang. Et surtout au canton des Flamands, précise-t-il, où ordinairement les marchands de la ville s’assemblent et « où, en effet, il y en avait plusieurs aussi bien que d’autres personnes de considération ».

Extrait. Plan de La Rochelle en 1689.
(Source : Médiathèques La Rochelle Agglo en ligne. Recueil de divers plans de La Rochelle et lieux circonvoisins / [Joseph-Nicolas Bournaud]. Édité par [s.n.] – 1750. 3P1988)

Se plaignant de ce procédé extraordinaire, Donat demande à ses assaillants la raison de son arrestation. Ils répondent qu’ils l’arrêtaient pour le constituer prisonnier et le conduire vers la prison de la Conciergerie du Palais faute du paiement d’une somme de 5 700lt à laquelle il a été condamné la veille par un jugement rendu à l’extraordinaire par le juge Pachot, au profit de François Bérault. 

Donat veut bien payer cette somme et demande aux huissiers de lui donner le temps d’aller chez lui pour aller chercher l’argent afin d’éviter son emprisonnement, même s’il a interjeté appel du jugement, signifié à Bérault par acte du notaire René Rivière la veille. Cette demande est refusée par les huissiers.

Quelques instants plus tard, voyant Donat ente les mains des huissiers et voulant lui faire plaisir, le marchand Jean Grignon intervient dans la rue de la Juiverie, derrière la prison, vis-à-vis la maison de Nicolas Prévost, procureur au présidial. Il avise les huissiers qu’il est prêt de payer la somme pour laquelle ils veulent emprisonner Donat, ayant même fait apporter sur le champ tout l’argent en sacs de mille francs.

Alors que Bérault se présente sur les lieux, Donat lui dit d’annuler sa procédure et demande réparation de la violence qu’il faisait exercer sur lui malgré son appel. Après avoir fait retenir Donat assez longtemps dans la maison de Prévost, Bérault libère les huissiers sans dresser de procès-verbal de tout ce qui s’est passé.

Comme il a intérêt de poursuivre la réparation de cette insulte faite publiquement avec éclat et scandale contre toutes les règles et formalités de la justice, Jean Donat se tourne ainsi vers le notaire Bagard pour lui demander de rédiger un acte officiel de protestation.

Extrait. Acte de protestation par Jean Donat contre François Bérault. 6 mai 1698.
(Source : AD17 en ligne. Notaire Antoine Bagard, 3E403, fol. 77r)

Cet acte est fait en présence des témoins suivants :

  • Antoine Desmarines, conseiller du roi, premier juge de la Monnaie royale de La Rochelle, et le canadien Jacques Le Ber, écuyer, sieur de Senneville, qui attestent avoir été présents lorsque les huissiers se sont saisis de la personne de Donat;
  • Jean Grignon, marchand, qui atteste avoir vu Donat entre les mains des huissiers quelques moments après son arrestation et aussi dans la rue de la Juiverie à la porte et dans la maison de Prévost;
  • Nicolas Prévost, procureur au présidial, qui atteste avoir vu Donat dans la cour de sa maison avec les huissiers et où sont venus Bérault et Grignon qui faisait apporter de l’argent pour faire des offres qui ont été ignorées par Bérault.

Fils d’Émery Donat et de Françoise de La Mallette, Jean Donat est originaire de Lauzerte (Quercy). Il épouse le 3 août 1704 à La Rochelle (paroisse Saint-Jean-du-Perrot), Louise Grignon, fille de Jean Grignon (ci-dessus) et de Louise Côté. Elle était veuve de Louis Le Ber, sieur de Saint-Paul, frère de Jacques Le Ber, sieur de Senneville (ci-dessus).

Généalogie de Jean Donat. (Source : Collection Guy Perron)

En secondes noces, il épouse le 17 mai 1712 à La Rochelle (paroisse Saint-Nicolas), Paule Béraudin, fille de Gabriel Béraudin et de Suzanne Husson.


Pour citer cet article

Guy Perron©2024, « Arrêté injustement en public à La Rochelle en 1698 », Le blogue de Guy Perron, publié le 22 avril 2024.

2 réflexions sur “391 – Arrêté injustement en public à La Rochelle en 1698

  1. Dominique Gélénan

    Il devait être bien sympathique ce marchand Jean GRIGNON… ou alors proche de ses intérêts. Un de mes ancêtres du 17e, important personnage de la Guadeloupe (alors récente colonie française) nommé Gabriel LEBLOND, décède au domicile du banquier alors qu’il était de passage dans la ville.

  2. Karen Fontaine

    Thank you for putting a lens on gross miscarriages of Justice even in earlier times. If it were not for the assistance of Jean Grignon at that time, we are left to wonder what would have become of him. I wonder of many ancestors that can’t be found nor evidence of their existence discovered, will now understand the possible reasons such as this episode sheds light on that.

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