En 1644, la levée d’engagés pour la Nouvelle-France (Acadie et Québec) est l’affaire des recruteurs suivants :
- Antoine Cheffault, sieur de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie générale de la Nouvelle-France (pour la Compagnie à Québec et Miscou);
- Jérôme Le Royer de La Dauversière, procureur de Messieurs les Associées de la Conversion des Sauvages de la Nouvelle-France (pour Paul de Chomedey de Maisonneuve à Montréal);
- Pierre Prévost, marchand (pour la Compagnie de la Nouvelle-France);
- André Tuffet, avocat au présidial de La Rochelle, et associés (pour le Cap Breton).
L’un des directeurs de la Compagnie générale de la Nouvelle-France, Antoine Cheffault de la Renardière recrute seize engagés pour la colonie, soit onze pour Québec et cinq pour Miscou. Les engagés à destination de Miscou sont le sujet du présent article.
Lors de la transcription de l’article de Gabriel Debien dans la revue RHAF, quelques erreurs se sont glissées et perpétuées dans des sites web et imprimés traitant de ce sujet.
Par exemple, les cinq engagés recrutés pour aller travailler à Miscou en 1644 ont été ignorés par Robert Le Blant. « La première compagnie de Miscou, 1635-1645 » dans RHAF, vol. 17, no 3, décembre 1963, p. 366.
Les cinq engagés se présentent dans l’étude du notaire Pierre Teuleron, rue de la Mocquetterie, dans l’après-midi du lundi 4 avril, pour convenir de leurs conditions d’engagement : le soldat rochelais Isaac Cousseau dit Laroche, le soldat angevin François Barry, le soldat et laboureur saintongeais Jean Constantin, le saintongeais Gédéon Coindet et le charpentier rétais Jean Guillot.
Chaque engagé décline ses prénom et nom, son lieu de résidence et sa profession (sauf Coindet). Le notaire écrit le salaire annuel (entre 75 et 200 livres) et une avance est accordée (entre 40 et 100 livres). À la fin de leur engagement, ils pourront repasser en France aux frais de leur engagiste.
Pour s’assurer de leur embarquement, deux engagés soumettent une caution, sinon ils devront remettre leur avance : Barry (sieur Prieur, marchand rochelais) et Cousseau (Jacob Desmaison, marchand poêlier rochelais).
Cheffault promet leur faire paiement du restant de la première année et le prix des deux autres à leur retour en France en déduisant ce qu’ils auront reçu à Miscou.
Les engagés promettent d’aller servir Messieurs de la Compagnie de la Nouvelle-France à Miscou, pour trois ans, tant de leur métier qu’en toutes choses qui leur seront commandées par Charles Huault de Montmagny, gouverneur, ou autres officiers (ex. : Thierry Desdames) en son absence.
Voici le contrat d’engagement entre Antoine Cheffault (l’engagiste) et Isaac Cousseau dit Laroche (l’engagé) en 1644.
Conventions Monsieur Cheffault et Coussault. (graphie contemporaine) |
Personnellement établis noble homme Antoine Cheffault sieur de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie générale de la Nouvelle-France, d’une part; et Isaac Cousseau dit Laroche, soldat demeurant en cette ville de La Rochelle, d’autre part. Entre lesquelles parties de leurs bons grés et volonté ont été faites les conventions suivantes. C’est à savoir que ledit Cousseau promet, s’oblige et sera tenu de s’embarquer à la première réquisition qui lui en sera faite par ledit sieur Cheffault pour aller à Miscou, pays de la Nouvelle-France, servir Messieurs de ladite Compagnie en toutes choses où il sera trouvé propre par Monsieur de Montmagny, ou autres officiers en son absence. Auxquels à cette fin il s’oblige d’obéir pendant le temps de trois années consécutives qui commenceront au jour qu’il arrivera audit pays et finiront à pareil jour icelles révolues, auquel temps ledit sieur Cheffault sera tenu de le faire repasser à ses dépens en France. Et ce pour et moyennant la somme de quatre-vingt-dix livres tournois par chacun an, sur la première desquelles ledit sieur Cheffault a présentement payé par avance audit Cousseau la somme de cinquante livres tournois dont il s’est contenté et le restant de ladite année ensemble le prix des autres deux années. Promet ledit sieur Cheffault de lui en faire paiement à son retour en France, déduction faite de ce qui se trouvera avoir été reçu par ledit Cousseau qui, pour plus grand assurance de ce que dessus, a baillé et présenté pour caution la personne de Jacob Desmaison, marchant poêlier demeurant en cette ville, à ce présent et personnellement établi qui s’y est volontairement soumis et promis de faire embarquer ledit Cousseau dans le temps qui lui sera ordonné ou à défaut de ce rendre et restituer ladite somme de cinquante livres donnée d’avance à peine de tous dépens, dommages et intérêts. Tout ce que dessus lesdites parties ont stipulé et accepté et à se faire et accomplir par icelles sans venir au contraire ont obligé l’une à l’autre tous leurs biens présents et futurs. Et outre ledit Cousseau sa personne &. Et ont renoncé &. Jugés &. Condamnés &. Fait à La Rochelle en l’étude dudit notaire après-midi, le quatrième jour d’avril mille six cent quarante-quatre. Présents maître François Moreau, praticien, et Martin Deharrabillague, clerc, demeurant en icelle. A ledit Desmaison déclaré ne savoir signer de ce requis. Signatures |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1293, fol. 230v)
Qui sont ces engagés de 1644 ?
François Barry |
Isaac Cousseau dit Laroche |
Gédéon Coindet |
Jean Guillot |
Jean Constantin |

(Source : Collection Guy Perron)
Un engagé est originaire d’Anjou, deux d’Aunis et deux de Saintonge.
Les cinq engagés quittent La Rochelle, probablement fin avril, à bord du navire Le Dauphin (200 tx) à destination de Miscou (Acadie).
Dans l’avant-midi du mardi 19 avril 1644[1], un contrat de charte-partie[2] a été conclu entre Jean Gaudouin, maître et capitaine du navire Le Dauphin, et Antoine Cheffault de La Renardière pour son expédition à Miscou, y porter les marchandises, victuailles et autres choses suivant les factures et connaissements[3]. Quinze jours après son arrivée, le navire doit partir de Miscou pour aller à Tadoussac porter le reste de sa charge, y séjourner au moins un mois pour le déchargement, prendre les pelleteries pour les rapporter en France. De Tadoussac, le navire doit revenir à Miscou pour recevoir les marchandises qui y seront chargées par les commis de la Compagnie de la Nouvelle-France. Le navire est armé de quatorze pièces de canon, pierriers, mousquets, piques et autres munitions nécessaires pour le voyage.
Le 25 avril, avant le départ, le capitaine Gaudouin reconnaît avoir reçu la somme de 600lt pour la pension et nourriture de vingt passagers (30lt / passager). Ces derniers sont les engagés recrutés par Cheffault (onze pour Québec et cinq pour Miscou) et le commis de la Compagnie.

Légende : Îles de Miscou (A), aujourd’hui les îles de Miscou et Lamèque.
(Source : BNF, département Cartes et plans, GE SH 18 PF 132 DIV 4 P 1/1. http://www.gallica.bnf.fr)
Que sont-ils devenus ?
BARRY, François ( – ) |
Originaire d’Angers (Anjou), François Barry s’engage à Antoine Cheffault de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie de la Nouvelle-France, le 4 avril 1644, pour aller travailler à Miscou (Acadie) au service du gouverneur Charles Huault de Montmagny, durant trois ans, à titre de soldat, à raison de 75 livres (avance de 45 livres). Pour assurer son embarquement, il soumet comme caution la personne du sieur Prieur, marchand rochelais. Ne signe pas. Il quitte La Rochelle, fin avril, à bord du navire Le Dauphin à destination de Miscou (Acadie). On ne sait pas s’il est venu. |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1293, fol. 231r)
COINDET, Gédéon ( – ) |
Originaire de Saint-Denis-d’Oléron (Saintonge), Gédéon Coindet s’engage à Antoine Cheffault de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie de la Nouvelle-France, le 4 avril 1644, pour aller travailler à Miscou (Acadie) au service de Thierry Desdames, durant trois ans, à raison de 120 livres (avance de 80 livres). Ne signe pas. Il quitte La Rochelle, fin avril, à bord du navire Le Dauphin à destination de Miscou (Acadie). On ne sait pas s’il est venu. |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1293, fol. 232r)
Note : Les registres de baptêmes de Saint-Denis-d’Oléron ne commencent qu’en 1627. (AD17 en ligne) |
CONSTANTIN, Jean ( – ) |
Originaire de Fraigne, près de Saint-Jean-d’Angély (Saintonge), Jean Constantin s’engage à Antoine Cheffault de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie de la Nouvelle-France, le 4 avril 1644, pour aller travailler à Miscou (Acadie) au service du gouverneur Charles Huault de Montmagny, durant trois ans, à titre de soldat et laboureur, à raison de 75 livres (avance de 40 livres). Ne signe pas. Il quitte La Rochelle, fin avril, à bord du navire Le Dauphin à destination de Miscou (Acadie). On ne sait pas s’il est venu. |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1293, fol. 231v)
COUSSEAU dit Laroche, Isaac (c1619 – ) |
Natif de La Rochelle (Aunis), Isaac Cousseau dit Laroche (24 ans) s’engage à Guillaume Desjardins, le 6 avril 1643, pour aller travailler à l’habitation de la rivière Saint-Jean au service de Charles de Saint-Étienne de La Tour durant trois ans, à raison de 100 livres par année (avance de 30 livres). Ne signe pas. Ne donne pas suite à son contrat puisqu’il s’engage de nouveau l’année suivante, le 4 avril 1644, envers Antoine Cheffault de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie de la Nouvelle-France, pour aller travailler à Miscou (Acadie) au service du gouverneur Charles Huault de Montmagny, durant trois ans, à titre de soldat, à raison de 90 livres (avance de 50 livres). Il quitte La Rochelle, fin avril, à bord du navire Le Dauphin à destination de Miscou (Acadie). On ne sait pas s’il est venu. |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1293, fol. 230v)
GUILLOT, Jean ( – ) |
Demeurant à Saint-Martin-de-Ré (Aunis), Jean Guillot s’engage à Antoine Cheffault de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie de la Nouvelle-France, le 4 avril 1644, pour aller travailler à Miscou (Acadie) au service de Thierry Desdames, durant trois ans, à titre de charpentier, à raison de 200 livres (avance de 100 livres). Ne signe pas. Il quitte La Rochelle, fin avril, à bord du navire Le Dauphin à destination de Miscou (Acadie). On ne sait pas s’il est venu. |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1293, fol. 232v)
Note : Les registres de baptêmes de Saint-Martin-de-Ré ne commencent qu’en 1668. (AD17 en ligne) |
Pour citer cet article
Guy Perron©2023, « Les engagés levés par Antoine Cheffault de la Renardière pour l’Acadie en 1644 », Le blogue de Guy Perron, publié le 1er février 2023.
[1] AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1293, fol. 251v, 252r. 19 avril 1644.
[2] Une charte-partie est un acte constituant un contrat conclu de gré à gré entre un fréteur et un affréteur, dans lequel le fréteur met à disposition de l’affréteur un navire. Le nom vient de ce que le document était établi en deux exemplaires que l’on découpait par le milieu pour en remettre deux moitiés à chaque partie. Mémoire d’un port. La Rochelle et l’Atlantique XVIe-XIXe siècle. Musée du Nouveau Monde, La Rochelle, 1985, p. 25.
[3] Déclaration contenant un état des marchandises chargées sur un navire, le nom de ceux à qui elles appartiennent, l’indication des lieux où on les porte, et le prix du fret. Tous les connaissements sont signés par le capitaine et par l’armateur.
Mr. Perron,
I was fortunate to come upon your blog recently and am enjoying it very much.
I am researching the life of Pierre Coucq who I believe sailed to Nueva Terra aboard the Fleur-dy-lys from Bordeaux in March of 1651. The ship was owned by a M. Bargaud and the widow of Samuel Merman. I have not yet found a record that proves this but your blog has given me many ideas on where to search.
All best to you and many thanks to you for sharing your work.
Best,
Stephen Birkhauser
Excellentes recherches, comme toujours. Merci.