Originaire de Segonzac (Angoumois), Jean Sauvaget s’engage une première fois en 1636 pour aller travailler en Acadie et une seconde fois en 1642 pour la Nouvelle-France entraînant avec lui, plus tard, son épouse, sa fille, son gendre et leur fille Madeleine.
Bien des choses ont été écrites à son sujet.
Qu’il y avait deux Jean Sauvaget, le père et le fils… | Que son épouse, Anne Dupuys, avait épousé en premières noces un certain Benassis… |
Enfin, que Guillaume Benassis était le beau-père et le beau-fils de Jean Sauvaget… |
Qu’en est-il?
La filiation de Jean Sauvaget est inconnue. Les registres paroissiaux de Segonzac (AD16) ne commencent qu’en 1737. Son mariage avec Anne Dupuys, vers 1610, n’a pas été retracé. Des recherches dans les registres paroissiaux de Marennes (AD17), pour cette période, ont été vaines. De cette union va naître une fille, Jeanne.
Le dimanche 9 juillet 1634, à la grande messe paroissiale, Jeanne Sauvaget épouse Guillaume Benassis dans l’église Saint-Pierre de Sales de Marennes. La rédaction très brève de l’acte de mariage ne mentionne pas la filiation de Benassis, ni même les prénom et nom de la future épouse.

(Source : AD17 en ligne. Non coté. Marennes. BMS. 1631-1647. Vue 75/316)
De cette union vont naître six enfants, les trois premiers étant baptisés à Marennes et les trois autres à La Rochelle.
Premier engagement
À La Rochelle, le jeudi 10 avril 1636[1], le laboureur Jean Sauvaget se présente dans l’étude du notaire rochelais Pierre Teuleron, rue Chef-de-Ville, pour convenir de ses conditions d’engagement avec le marchand rochelais Jean Tuffet. Ce dernier a charge expresse de Pierre Desportes, écuyer, sieur de Lignières et de l’île du Cap-Breton, de Paris.
Il promet de s’embarquer dans un navire pour aller servir Desportes dans l’île du Cap-Breton tant de son métier de laboureur qu’en toutes autres choses où il sera trouvé utile et nécessaire par le capitaine et gouverneur de l’île.
Cet engagement est fait pour trois années qui commencera dès la signature du contrat, moyennant un salaire annuel de 50lt et une somme de 28lt lui est remise par Tuffet pour employer en achat de commodités. De plus, Sauvaget demande que la somme de 50lt soit payée à la fin de chaque année à Guillaume Benassis, maçon, de Marennes, son gendre.
Il quitte La Rochelle à destination de l’Acadie dans des circonstances inconnues.
Il revient en France à l’automne 1640 car, le 5 décembre, il reçoit de Tuffet tout le restant de ses loyers et salaires de 4 ½ années qu’il a servi au Cap-Breton. Pendant le séjour de son beau-père en Acadie, Benassis a reçu de Tuffet trois versements successifs : le 8 avril 1637 (22lt pour le reste de la première année), le 18 mars 1638 (30lt pour le reste de la seconde année) et le 13 janvier 1640 (50lt pour la troisième année).
Deuxième engagement
On retrouve les familles Sauvaget-Dupuys et Benassis-Sauvaget à La Rochelle dès 1641.
Quelques mois plus tard, un grand nombre d’hommes sont recrutés pour aller travailler en Nouvelle-France. Le laboureur Jean Sauvaget et le maçon Guillaume Benassis, son gendre, se joignent à eux. Ils font partie du contingent de 43 hommes qui s’engagent, entre le 31 mars et le 17 mai, envers Antoine Cheffault de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie de la Nouvelle-France.
Dans l’après-midi du dimanche 6 avril 1642[2], avec neuf autres hommes, Benassis et Sauvaget se présentent dans l’étude du notaire rochelais Pierre Teuleron pour convenir de leurs conditions d’engagement avec Cheffault.
Ils promettent de s’embarquer dans un navire pour aller servir Messieurs de la Compagnie de la Nouvelle-France tant de son métier de maçon pour Benassis qu’à labourer la terre et couper des bois pour Sauvaget qu’en toutes autres choses où ils seront trouvés capables par le gouverneur ou son lieutenant.
Ces engagements sont faits pour trois années qui commenceront au jour qu’ils arriveront en Nouvelle-France, moyennant un salaire annuel de 75lt (avance de 45lt) pour Sauvaget et 100lt (avance de 50lt) pour Benassis. L’engagiste promet de payer le restant de la première année et le salaire des deux autres à leurs épouses, Anne Dupuys et Jeanne Sauvaget, déduction faite de ce qu’ils auront reçu dans la colonie.
Voici le contrat d’engagement entre Antoine Cheffault de la Renardière (l’engagiste) et Jean Sauvaget (l’engagé) en 1642.
Conventions Sauvaget et Monsieur Cheffault. (graphie contemporaine) |
Personnellement établis noble homme Antoine Cheffault sieur de la Renardière, l’un des directeurs de la Compagnie de la Nouvelle-France, d’une part. Et Jean Sauvaget, laboureur, demeurant en cette ville de La Rochelle, d’autre part. Lesquelles parties de leurs bons grés et volontés ont fait et convenu ce qui en suit. C’est à savoir que ledit Sauvaget a promis et s’oblige de s’embarquer à la première réquisition qui lui en sera faite par ledit sieur Cheffault dans un navire pour aller au pays de la Nouvelle-France, servir Messieurs de ladite Compagnie tant à labourer la terre et couper des bois qu’à toutes autres choses où il sera trouvé capable par Monsieur le gouverneur ou son lieutenant. Auxquels, à cette fin, il sera tenu obéir pendant l’espace de trois années consécutives qui commenceront au jour qu’il arrivera audit pays et finiront à pareil jour icelles révolues pour et moyennant la somme de soixante-et-quinze livres tournois pour chacune desdites années. Sur la première desquelles ledit Sauvaget a reçu présentement par avance dudit sieur Cheffault la somme de quarante-cinq livres tournois de laquelle il s’est contenté et en a quitté ledit sieur Cheffault qui sera tenu payer le restant de ladite année en mains d’Anne Dupuys, femme dudit Sauvaget, lorsque les navires partiront l’année prochaine pour aller audit pays. Ensemble lui payer le prix des autres deux années par demie année ainsi qu’elles écheront, déduction faite de ce qu’il aura reçu audit pays. Lesquels paiements ainsi faits, ledit Sauvaget a promis dès à présent tout ainsi que s’ils avaient été faits à sa personne. Le tout de ce dessus à peine de tous dépens, dommages et intérêts entre lesdites parties, lesquelles pour l’accomplissement des présentes ont obligé l’une à l’autre tous leurs biens présents et futurs. Élisant leurs domiciles pour l’exécution des présentes en cette ville, savoir ledit sieur Cheffault en la maison de Nicolas Denys, écuyer, et ledit Sauvaget en celle du notaire royal soussigné pour y recevoir &. Renonçant &. Jugé &. Condamné &. Fait à La Rochelle en l’étude dudit notaire après-midi, le sixième jour d’avril mille six cent quarante-deux. Présents François Debédiant et Jean Sarrau, clerc, demeurant en icelle. Signatures. |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1292, fol. 47r)
Le départ
Jean Sauvaget et Guillaume Benassis s’embarquent à bord du navire L’Espérance (90 tx) et quittent La Rochelle, probablement fin avril, à destination de la Nouvelle-France. Ils seront rejoints plus tard par leurs épouses, Anne Dupuys, Jeanne Sauvaget et sa fille Madeleine (7 ans), les deux autres sœurs étant vraisemblablement décédées.
Madeleine va contracter mariage à l’âge de 12 ans, le 13 novembre 1647 à Québec (notaire Guillaume Audouart), avec Étienne Seigneuret, originaire de Falaise (Normandie).
Si Jean Sauvaget s’établit dans la colonie, Guillaume Benassis revient en France après ses trois années d’engagement. Il décède à La Rochelle le 15 novembre 1652.
Qu’est-il devenu ?
SAUVAGET, Jean ( -c1663) |
Originaire de Segonzac (Angoumois), Jean Sauvaget est marié à Anne Dupuys lorsqu’il s’engage à Jean Tuffet, le 10 avril 1636, pour aller travailler au service de Pierre Desportes au Cap-Breton, pendant trois ans, à titre de laboureur, à raison de 50 livres par année (avance de 28 livres). Il signe. Il quitte La Rochelle à destination de l’Acadie dans des circonstances inconnues. Il revient en France, à l’automne 1640, après 4 ½ années de services. Il s’engage de nouveau envers Antoine Cheffault de la Renardière, le 6 avril 1642, pour aller travailler au service de la Compagnie de la Nouvelle-France, pendant trois ans, à labourer la terre et couper des bois, à raison de 75 livres par année (avance de 45 livres). Il s’embarque à bord du navire L’Espérance (90 tx) et quitte La Rochelle à destination de la Nouvelle-France. On le retrouve à Trois-Rivières, en août 1647, où il est présent à l’élection de Jacques Hertel. Le 10 septembre suivant, Jean Godefroy de Lintot lui baille à rente amortie la terre qu’il a acquise d’Antoine Leboesme dit Lalime, à raison de 80 livres par année, ainsi qu’une vache avec le bois de charpente et pieux de cèdre, le blé d’Inde et trente journées d’hommes pour déserter et brûler le bois sur la concession. Un an plus tard, en août 1648, Godefroy et Sauvaget s’accordent sur la durée de la rente, soit trois ans. La même concession (3 ½ x 8 ½ arpents) lui est concédée par Godefroy, en juin 1649, pour la somme de 1 500 livres. Ainsi, Sauvaget ne peut être à La Rochelle, en mai 1649, engageant René Savarit et Guillaume Benassis pour aller travailler à Trois-Rivières, comme l’écrit Godbout. En compagnie d’Antoine Desrosiers et d’Étienne Seigneuret, le 1er août 1649, il s’engage à livrer à Pierre Boucher la quantité de 500 pieux de cèdre ou de pruche à 15 livres le cent. Au mois d’octobre suivant, la Compagnie de la Nouvelle-France lui concède une terre de 3 x 5 arpents. Le 6 juin 1650, il passe un marché avec Flour Boujonnier pour lui abattre autant de bois sur sa terre que ce dernier en a abattu sur la sienne. Le 17 juin suivant, Jean de Lauson lui concède un emplacement situé au bas du coteau où est le fort de Trois-Rivières. Jean Sauvaget et Anne Dupuys sont parrain et marraine d’Anne Oumatouetchiouanoukoue, amérindienne, en janvier 1652. De 1652 à 1657, il est procureur fiscal à Trois-Rivières. Le 17 décembre 1652, Sauvaget vend au meunier Philippe Foubert une terre de 2 x 40 arpents située au lieu appelé le cap des Trois-Rivières. Cette terre avait été acquise d’Étiennette Després le 28 novembre auparavant. Le 9 octobre 1655, Pierre Boucher lui concède le tiers de l’île Margot dans le delta de la rivière Saint-Maurice. Il réclame de Claude Herlin, le 15 décembre suivant, le paiement de 6 ½ jours de travail, une lance d’épée et de scie. Le même jour, Boucher lui concède une terre de 30 arpents située à Trois-Rivières, laquelle il jouit depuis neuf ans. Le 31 juillet 1656, Jean Sauvaget et Étienne Seigneuret reçoivent en fief et seigneurie la première concession située à la pointe du lac Saint-Pierre et deviennent les premiers possesseurs du fief de Tonnancour (Pointe-du-Lac). En mai 1657, Sauvaget et Seigneuret vendent à Claude Jutras des terres situées au Cap-de-la-Madeleine (Nota. Le notaire fait erreur en qualifiant Seigneuret comme gendre de Sauvaget). En mars 1659, le greffier Sévérin Ameau lui réclame que soit rendue exécutoire une cédule de la somme de 36 livres faite à son profit. Ameau a gain de cause. Jean Sauvaget repasse en France en juillet 1660 car, le 25 juillet, il est signalé absent lors de la déclaration de vente faite par Étienne Seigneuret et Madeleine Benassis, son épouse, et Anne Dupuis, épouse de Jean Sauvaget, à Guillaume Constantin dit Lavallée d’une pièce de terre tenant sur la place et la rue Saint-Pierre. À La Rochelle, ayant charge de Pierre Boucher, Jean Sauvaget recrute trois engagés les 1er et 2 mai 1662 pour aller travailler à Trois-Rivières au service de Boucher. Le lieu et la date de décès de Jean Sauvaget sont inconnus. Il serait décédé avant le 28 juin 1664, date à laquelle un arrêt ordonne que les héritiers Sauvaget jouiront des terres à eux concédées par Louis d’Ailleboust (pour la Compagnie de la Nouvelle-France) en octobre 1649. En 1674, veuve de Sauvaget, Anne Dupuys reçoit la troisième concession à Pointe-du-Lac, depuis la limite est du fief Sauvaget-Seigneuret jusqu’à la concession faite à Jutras, en banlieue de Trois-Rivières. En quelques années, on constate l’ascension sociale de Jean Sauvaget, passant de laboureur à procureur fiscal, engagiste puis copropriétaire du fief Sauvaget-Seigneuret. |

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1286, fol. 26r)

(Source : AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1292, fol. 47r)
Voir aussi : Archange Godbout. Émigration rochelaise en Nouvelle-France, Montréal, Éditions Élysée, 1980, p. 216. |
Voir aussi : Michel Langlois, Dictionnaire biographique des ancêtres québécois (1608-1700), La Maison des Ancêtres, tome 4 (Lettres N à Z0, 2001, p. 331-332. |
Voir aussi : Fichier Origine. |
Toponymie
Anciennement dénommé « rang Saint-Joseph », le tronçon nord a reçu le nom de « rang Jean-Sauvaget » et le tronçon sud celui de « chemin Anne-Dupuys » depuis l’harmonisation des odonymes de la nouvelle ville de Trois-Rivières en 2004.
Le « rang Jean-Sauvaget » évoque le souvenir de Jean Sauvaget, décédé en 1661, qui fut procureur fiscal de la Compagnie des Indes occidentales à Trois-Rivières et copropriétaire du fief Sauvaget-Seigneuret, de 1656 à 1661. Concession de la Pointe-du-Lac, développée plus tard par les seigneurs de Tonnancour.
(Source : Commission de toponymie du Québec)
Le « chemin Anne-Dupuys » évoque le souvenir d’Anne Dupuys, épouse de Jean Sauvaget, qui était concessionnaire de terres à Pointe-du-Lac, au 17e siècle.
(Source : Commission de toponymie du Québec)
Pour citer cet article
Guy Perron©2022, « Engagement de Jean Sauvaget pour la Nouvelle-France en 1636 et 1642 », Le blogue de Guy Perron, publié le 31 août 2022.
[1] AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1286, fol. 26r. 10 avril 1636.
[2] AD17. Notaire Pierre Teuleron. 3E1292, fol. 47r. 6 avril 1642.
La mémoire de Jean Sauvaget et Anne Dupuys est honorée, mais certains regrettent que les municipalités gomment le générique rang au profit de chemin, avenue et rue, remplaçant souvent les spécifiques descriptifs (Brise-Culottes, Vire-Crêpes, rang de la misère, rang du Bout-du-Monde… par exemple) par des noms de personnes. Une mémoire se perd. Merci pour cet article fort intéressant.
Tu habites à La Rochelle
Bonne lecture… http://www.guyperron.com/
Bonjour M. Perron, votre travail sur Jean Sauvaget est d’un grand professionnalisme comme toujours. Une petite question: vous dites que le contrat de mariage de Madeleine Benassis et Étienne Seigneuret, du 13 novembre 1647, se retrouve dans le greffe d’Antoine Adhémar (dit St-Martin). Comme ce notaire serait arrivé comme soldat dans le régiment de Carignan, je présume que le contrat de mariage est un acte sous seing privé déposé plusieurs années plus tard, après 1668, dans le greffe de ce notaire. Connaissez-vous la date du dépôt sous laquelle on peut retrouver ce contrat ?
Merci à vous et belle continuité
Bernard Laporte
Bonjour M. Laporte,
J’ai corrigé le nom du notaire, car il s’agit plutôt de Guillaume Audouart.
Dans l’Inventaire des greffes de notaires (vol. 5, p. 60), il est écrit :
« Contrat de mariage du sieur Seigneuret et Madeleine Benacis (ou Benassis) signé Audouart, en date du 13 novembre 1647 (remis le 26 avril 1683). (Manque) ».
Bonjour,
Plusieurs auteurs ont tellement insisté sur les dures conditions de vie des engagés, mais il faut croire que quand ça marche, on y retourne… Je suis preneur d’autres exemples. Je suis confronté à un problème : le nom d’un ancêtre à moi apparait successivement (1628 et 1629) dans 2 contrats distincts d’engagement pour St-Christophe depuis Le Havre, et je me demande s’i s’agit de la même personne ou alors 2 homonymes (Alexandre Leblond)