306 – Les engagés levés pour le service du roi au Canada en 1687

En 1687, la levée d’engagés pour la Nouvelle-France (Acadie et Québec) est l’affaire des recruteurs suivants : Recrutement - Le blogue de Guy Perron

  • Jacques-Alexis de Fleury, écuyer, sieur Deschambault;
  • Gabriel Gauthier, commis général, pour la Compagnie de l’Acadie;
  • Antoine Héron, directeur de la Compagnie d’Acadie;
  • Antoine de Mauclerc, contrôleur général de la marine à Rochefort;
  • Pierre Soumande Delorme, marchand, de La Rochelle.
Source : Gabriel Debien. « Liste des engagés pour le Canada au XVIIe siècle (1634-1715) » dans RHAF, vol. 6, no 3, décembre 1952, p. 402.

QUATRE NOUVEAUX ENGAGÉS

Lors de la transcription de son article dans la revue RHAF, Gabriel Debien a relevé cinq engagés. Il faut ajouter Pierre Angibau, Honoré Barisson, Pierre Bouglier et Jacques Gauthier.

De plus, quelques erreurs de transcription se sont glissées : Audreint au lieu d’Adreint, Bonnet au lieu de Bonus et Guillemier au lieu de Guillemin.  

Contrôleur général de la marine à Rochefort, Antoine de Mauclerc, écuyer, seigneur de Péré, en est à sa première et seule levée d’engagés.

Le vendredi 18 avril, les maîtres charpentiers de navire Honoré Barisson et Pierre Angibau, demeurant à Rochefort, et l’arquebusier normand Pierre Bouglier (21 ans) se présentent dans l’étude du notaire rochelais Pierre Soullard pour s’entendre sur les conditions particulières de leur engagement.

Ils ne sont pas des engagés appelés 36 mois. Ils sont recrutés pour aller travailler à Québec pour le service du roi.

Chaque engagé décline ses prénom et nom, son âge (Bouglier), son lieu de résidence et sa profession. Le notaire écrit le salaire mensuel (entre 25 et 70 livres), et une avance est accordée (½ année de gages). Chacun aura mensuellement pour leur nourriture : une pinte d’eau-de-vie, trois livres de lard, dix livres de pain et quatre anguilles.  

Ils promettent de s’embarquer dans l’un des vaisseaux du roi destiné pour aller à Québec, y travailler chacun de leur profession à tout ce qui leur sera ordonné par le gouverneur général Jacques-René de Brisay de Denonville et l’intendant Jean Bochart de Champigny, ou autres représentants, pendant le temps qu’ils voudront.

Que les engagés travaillent pour le service du roi ou pour des particuliers, ils seront toujours payés de leur salaire, même s’ils ne « trouvent à s’occuper ». En cas de maladie, ils seront traités et médicamentés par le chirurgien entretenu par le roi à Québec.

Voici le contrat d’engagement entre Antoine de Mauclerc (l’engagiste) et Pierre Angibau, Honoré Barisson et Pierre Bouglier (engagés) en 1687.

Engagement Barisson, Angibau et Bouglier à Monsieur de Mauclerc.
(graphie contemporaine)
Par-devant le notaire royal à La Rochelle, ont été présents en personnes Honoré Barisson et Pierre Angibau, maîtres charpentiers de navire, demeurant à Rochefort, et Pierre Bouglier, arquebusier, natif d’Argentan en Normandie, âgé de vingt-et-un an. Lesquels se sont engagés par ces présentes envers Messire Antoine de Mauclerc, écuyer, seigneur de Péré, contrôleur général de la marine au port et havre de Rochefort, à ce présent et acceptant pour et au nom de Sa Majesté. Au mandement duquel, ils s’obligent de s’embarquer dans l’un des vaisseaux du roi destiné la présente année pour aller à Québec en Canada, où étant arrivé les susnommés s’emploieront chacun de leur profession à tout ce qui leur sera ordonné pour le service du roi par messieurs Denonville et de Champigny, lieutenant général et intendant pour Sa Majesté audit pays, ou ceux les représentant, pendant le temps que lesdits Barisson, Angibau et Bouglier désireront et pour leur nourriture auront chacun [par mois] une pinte d’eau-de-vie, trois livres de lard, dix livres de pain et quatre anguilles. Le présent engagement fait moyennant et à raison, savoir pour ledit Barisson soixante-et-dix livres par mois, pour ledit Angibaud cinquante livres et pour ledit Bouglier vingt-cinq livres par mois. Lesquels commenceront au moment que lesdits engagés embarqueront […] audit pays. Lesquels gages leur seront payés par les sieurs trésoriers [de la marine] au Canada ou en France, au choix et option desdits engagés par quartiers ainsi qu’ils […] argent de France. Sur quoi il leur sera avancé au […] une demie année en cette ville. D’ailleurs passeront sur les vaisseaux du [roi       ] étant de passage. Étant arrêté que lesdits engagés travailleront pour le compte […] qui leur seront indiqués par lesdits sieurs Denonville et de Champigny qui en pour eux le prenant et de ce qui en reviendra. Outre le prix ci-dessus qui sera pris sur ledit travail si tant se monte […] auxdits engagés qui au moyen de ce seront toujours payés de leurs gages comme dessus réglés. Et du surplus du travail qu’ils feront pour les [particuliers] s’il en a, leur appartiendront et ne trouvant à s’occuper tant pour le roi que pour lesdits particuliers seront payés de leurs gages de la manière qu’il est ci-dessus dit. Et en cas de maladie, seront traités et médicamentés par le chirurgien entretenu par Sa Majesté audit pays. Et pour l’exécution des présentes, lesdits engagés ont élu leur domicile en cette ville, maison de moi notaire. C’est l’intention des parties qui à l’entretien à peine de tous dépens, dommages et intérêts, obligent savoir ledit seigneur de Péré le fond destiné par Sa Majesté pour l’effet de ce que dessus et lesdits engagés tous leurs biens même leurs personnes attendu qu’il s’agit des affaires du roi. Jugé &. Condamné &. Fait à La Rochelle, étude de moi notaire après-midi, le dix-huitième avril mille six cents quatre-vingt-sept. Présents Pierre Cayeau et Étienne Geoffre, clercs, y demeurant. A ledit Angibau déclaré ne savoir signer de ce requis. Signatures.

Qui sont ces engagés de 1687 ?

Pierre Angibau

Pierre Bouglier

Honoré Barisson

Tableau des engagés levés pour le service du roi au Canada en 1687. (Source : Collection Guy Perron)
Origine des engagés levés pour le service du roi au Canada en 1687. (Source : Collection Guy Perron)

Deux engagés sont originaires d’Aunis et un de Normandie.

Les trois engagés quittent La Rochelle probablement à bord du vaisseau du roi L’Arc-en-Ciel vers le 2 mai. Ils arrivent rapidement à Québec le 29 mai suivant.

C’est un retour en Nouvelle-France pour l’engagé Barisson qui y a séjourné de 1671 à 1675-1676 pour le même travail.

Que sont-ils devenus ?

ANGIBAU, Pierre
(     –     )
Demeurant à Rochefort (Aunis), Pierre Angibau s’engage à Antoine de Mauclerc, le 18 avril 1687, pour aller travailler au service du roi à Québec pour le temps qu’il voudra, à titre de maître charpentier de navire, à raison de 50 livres par mois (avance d’une demie année de salaire). Ne signe pas. Il quitte La Rochelle probablement à bord du vaisseau du roi L’Arc-en-Ciel vers le 2 mai et arrive rapidement à Québec le 29 mai suivant. Le 17 octobre, les engagés Pierre Angibau et Honoré Barisson « venus cette année de France » à titre de charpentiers pour le roi, sont requis dans la rade de Québec pour visiter le navire Le Nom de Jésus, naufragé au Trou Saint-Patrice (côté sud de l’île d’Orléans). Semble retourné en France en 1688.   
Extrait. Engagement de Pierre Angibau. 18 avril 1687. (Source : AD17 en ligne. Notaires René Rivière, Pierre Soullard et François Soullard. 3E1809, fol. 48v, 49)

BARISSON, Honoré
(     –     )
Demeurant à Rochefort (Aunis), Honoré Barisson s’engage à Antoine de Mauclerc, le 18 avril 1687, pour aller travailler au service du roi à Québec pour le temps qu’il voudra, à titre de maître charpentier de navire, à raison de 70 livres par mois (avance d’une demie année de salaire). Il signe. Il quitte La Rochelle probablement à bord du vaisseau du roi L’Arc-en-Ciel vers le 2 mai et arrive rapidement à Québec le 29 mai suivant. Cet engagé est de retour en Nouvelle-France. En effet, dans le cadre de l’établissement d’une véritable industrie navale et sur l’ordre de Colbert du Terron, il était arrivé en 1670 avec cinq charpentiers, deux forgerons et trois faiseurs de goudron pour la construction de navires. En août 1671, François Pelletier dit Antaya, habitant de Sorel, est condamné à lui payer la somme de 135 livres pour vente d’une chaloupe. Par la suite, il prête de l’argent à quelques charpentiers de navires : François Turpin, 63 livres (1671), 175 livres (1672), 50 livres (1673) et Pierre Barisson, 60 livres (1672). Le 8 novembre 1672, il retourne en France sur l’ordre de l’intendant Jean Talon pour faire des recherches de tous matériaux nécessaires de ferraille, cordage qu’autres choses convenables pour le navire qu’il avait commencé à construire en 1671 à la Pointe aux Lièvres. Peu avant, en mars 1672, Jeanne Viger, épouse d’Honoré Barisson, paie la somme de 46 livres à Jean de Certain, fabriqueur de l’église Saint-Pierre-de-Salles de Marennes, pour arrérages de rente sur la maison que possède Suzanne Savineau, sa belle-mère, veuve de Pierre Barisson. Honoré serait-il fils de Pierre Barisson et de Suzanne Savineau? Le charpentier de navire Pierre Barisson serait-il le frère d’Honoré avec qui il serait arrivé en 1670? Il quitte La Rochelle le 12 juillet 1673 et arrive à Québec le 23 septembre suivant. Un mois plus tard, à la demande de Simon-François Daumont de Saint-Lusson, commissaire général de la marine, Honoré Barisson doit se présenter à la Pointe-aux-Lièvres, près des Pères Récollets, où est le navire qui se construit pour le roi afin de déclarer dans quel état il l’a laissé à son départ (8 novembre 1672) sous la conduite de François Turpin jusqu’à son retour (23 septembre 1673). Le 2 novembre suivant, Barisson requiert qu’il ne soit pas tenu responsable en cas d’accident au grand navire qu’il a commencé en 1671, concernant son absence de la colonie (novembre 1672-septembre 1673). Le 5 novembre, Pierre Thomas, capitaine, et Jean Depois, pilote, du navire Le Postillon, prêtent la somme de 300 livres à Barisson pour payer les dettes de son contremaître, François Turpin. Cette somme leur sera remboursée par Jeanne Viger, son épouse, demeurant sur la rue Sainte-Olive à Marennes. En 1674, le marchand Moïse Petit conclut un marché avec le maître Honoré Barisson et Moïse Hilleraet et François Sauvin, charpentiers de navire, pour la construction d’une barque de 70 tonneaux pour la somme de 2 500 livres et vingt pots d’eau-de-vie. Après quelques différends, en 1675, une quittance est intervenue entre eux pour la somme de 3 500 livres. Honoré Barisson retourne en France en 1675 ou 1676. Le 17 octobre 1687, les engagés Pierre Angibau et Honoré Barisson « venus cette année de France » à titre de charpentiers pour le roi, sont requis dans la rade de Québec pour visiter le navire Le Nom de Jésus, naufragé au Trou Saint-Patrice (côté sud de l’île d’Orléans). Semble retourné en France en 1688. 
Extrait. Engagement de Honoré Barisson. 18 avril 1687. (Source : AD17 en ligne. Notaires René Rivière, Pierre Soullard et François Soullard. 3E1809, fol. 48v, 49)
Voir aussi : Marcel Trudel, Trudel, Histoire de la Nouvelle-France. La seigneurie de la Compagnie des Indes occidentales 1663-1674, Montréal, Éditions Fides, vol. IV, 1997, p. 461-465.
Voir aussi : Jean de Certain, « Compte rendu à M. le curé et aux habitants catholiques de Marennes » dans Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, Saintes, vol. VI, 1879, p. 293.

BOUGLIER, Pierre
(     –     )
Natif d’Argentan (Normandie), Pierre Bouglier s’engage à Antoine de Mauclerc, le 18 avril 1687, pour aller travailler au service du roi à Québec pour le temps qu’il voudra, à titre d’arquebusier, à raison de 25 livres par mois (avance d’une demie année de salaire). Il signe. Il quitte La Rochelle probablement à bord du vaisseau du roi L’Arc-en-Ciel vers le 2 mai et arrive rapidement à Québec le 29 mai suivant. Nulle trace de cet engagé en Nouvelle-France.
Extrait. Engagement de Pierre Bouglier. 18 avril 1687. (Source : AD17 en ligne. Notaires René Rivière, Pierre Soullard et François Soullard. 3E1809, fol. 48v, 49)
Acte de baptême de Pierre Bouclier. 23 octobre 1663.
(Source : AD61 en ligne. Argentan, paroisse Saint-Germain. 3NUMECRP6/AC006_8. BMS. 1649-1664. Vues 239 et 266/269.)

Pour citer cet article

Guy Perron©2021, « Les engagés levés pour le service du roi au Canada en 1687 », Le blogue de Guy Perron, publié le 16 octobre 2021.

Publicité

7 réflexions sur “306 – Les engagés levés pour le service du roi au Canada en 1687

  1. NettieMerax2

    Comme toujours, vos articles de blog sont très intéressants. Aujourd’hui sur votre site j’ai recherché des messages antérieurs à l’année 1645. Je n’en ai trouvé aucun. Avez-vous fait des recherches sur les départs vers le Québec avant cette année-là? Merci.

  2. Danielle Liard

    Intéressant, j’ai trouvé d’autres hommes qui furent engagés pour le service du roi vers 1663: Laurent Nafrichou, Moyse Hilarest, Daniel Beau et Pierre Esmery. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/archives/52327/3357358

    Danielle

    On Sat, 16 Oct 2021 at 19:33, Le blogue de Guy Perron wrote:

    > Guy Perron posted: « En 1687, la levée d’engagés pour la Nouvelle-France > (Acadie et Québec) est l’affaire des recruteurs suivants : Jacques-Alexis > de Fleury, écuyer, sieur Deschambault; Gabriel Gauthier, commis général, > pour la Compagnie de l’Acadie; Antoine Héron, directeu » >

  3. Bernard Laporte

    Une extrait d’histoire de la construction navale à Québec à travers la vie de quelques charpentiers de navire du roi. Bravo M. Perron ! Belle continuité !

  4. Gérald Guillot Diotte

    Je ne vois pas la façon que mon ancêtre est arrivé au quebec et marier à Québec avec j’anne Sicare en 1670 Vincent Quillot née à Larochelle en 1642 baptiser à l’église st barthélemy

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s