303 – Engagement de Jacques Gauthier (1667-1741) pour le Canada en 1687

En 1687, la levée d’engagés pour la Nouvelle-France (Acadie et Québec) est l’affaire des recruteurs suivants : Recrutement - Le blogue de Guy Perron

  • Jacques-Alexis de Fleury, écuyer, sieur Deschambault;
  • Gabriel Gauthier, commis général, pour la Compagnie de l’Acadie;
  • Antoine Héron, directeur de la Compagnie d’Acadie;
  • Antoine de Mauclerc, contrôleur général de la marine à Rochefort;
  • Pierre Soumande Delorme, marchand, de La Rochelle.
Source : Gabriel Debien. « Liste des engagés pour le Canada au XVIIe siècle (1634-1715) » dans RHAF, vol. 6, no 3, décembre 1952, p. 402.

QUATRE NOUVEAUX ENGAGÉS

Lors de la transcription de son article dans la revue RHAF, Gabriel Debien a relevé cinq engagés. Il faut ajouter Pierre Angibau, Honoré Barisson, Pierre Bouglier et Jacques Gauthier.

De plus, quelques erreurs de transcription se sont glissées : Audreint au lieu d’Adreint, Bonnet au lieu de Bonus et Guillemier au lieu de Guillemin.  

Jacques-Alexis de Fleury, écuyer, sieur Deschambault en est à sa première et seule levée d’engagé.

À La Rochelle, le samedi 7 juin 1687[1], le poitevin Jacques Gauthier se présente dans l’étude du notaire rochelais Antoine Bagard, rue de la Juiverie (aujourd’hui rue Admyrault), pour convenir de ses conditions d’engagement avec Deschambault pour une période de cinq ans.

L’engagé Gauthier décline ses prénom et nom et son lieu d’origine. Le notaire écrit le salaire annuel qui est de 36 livres seulement. Il promet de s’embarquer dans un navire que lui indiquera Deschambault pour aller le servir, ou ses représentants, au Canada en tout de qui lui sera commandé.

En retour, Deschambault promet de le nourrir, de le loger et de lui payer son passage pour l’aller seulement. De plus, l’engagiste nourrira l’engagé à ses frais jusqu’au jour de son embarquement.

Dans son contrat, Gauthier mentionne le nom de ses père et mère, nous informant davantage sur sa généalogie.

Voici le contrat d’engagement entre Jacques-Alexis de Fleury Deschambault (l’engagiste) et Jacques Gauthier (l’engagé) en 1687.

Engagement Jacques Gauthier à Jacques-Alexis Fleury sieur Deschambault.
(graphie contemporaine)
Par-devant le notaire royal à La Rochelle soussigné, présents les témoins sous nommés. Ont été présents en leurs personnes Jacques-Alexis de Fleury, écuyer, sieur Deschambault de présent en cette ville et Jacques Gaultier, natif de la ville de Poitiers, paroisse Sainte-Radegonde, fils de François Gauthier, paveur, et de feue Mathurine Gauthier, ses père et mère, d’une et d’autre part. Entre lesquelles parties a été volontairement fait l’acte d’engagement qui s’en suit. C’est à savoir que ledit Gauthier a promis et s’oblige envers ledit sieur Deschambault de s’embarquer toutefois et quand et sur tel navire qu’il lui plaira ordonner pour aller en droite route au lieu de Canada, pays de la Nouvelle-France, où étant ledit Gauthier sera aussi tenu comme il s’y oblige de servir ledit sieur Deschambault, ou autre telle personne qu’il lui indiquera audit lieu, pendant le temps et espace de cinq années consécutives et l’une suivant l’autre qui commenceront à courir dès le jour qu’il arrivera audit lieu [de] Deschambault, audit pays de Canada, pour finir à pareil et semblable jour. Et pendant icelles, fera tout ce qui lui sera commandé par ledit sieur Deschambault, ou autre, et ce pour et moyennant la somme de trente-six livres par chacun an, argent du pays, que ledit sieur Deschambault lui payera annuellement et à la fin de chacune desdites années. Et en outre, le nourrira et logera sans diminution de ses dits gages, ne s’obligeant ledit sieur Deschambault à autre chose si ce n’est qu’il payera le voyage ou passage dudit Gauthier pour l’aller seulement. C’est la volonté et intention desdites parties qui, pour l’entretien et exécution à peine de tous dépens, dommages et intérêts, ont obligé et obligent l’une d’elle à l’autre tous et chacun leurs biens meubles et immeubles présents et à venir. Et encore ledit Gauthier sa personne à tenir prison comme pour deniers royaux. Étant aussi convenu que ledit sieur Deschambault nourrira àses frais ledit Gauthier jusqu’à l’embarquement. Renonçant &. Jugés &. Condamnés &. Fait à La Rochelle, étude dudit notaire après-midi, le septième juin mille six cent quatre-vingt-sept. Présents Charles Lagord, praticien, et Antoine Bagard, clercs, y demeurant témoins. Signatures.
Extrait. Contrat d’engagement de Jacques Gauthier pour le Canada. 7 juin 1687. (Source : AD17 en ligne. Notaire Antoine Bagard. 3E392, fol. 118)

À noter que le contrat d’engagement de Jacques Gauthier n’a pas été recensé par Gabriel Debien dans sa « Liste des engagés pour le Canada au XVIIe siècle (1634-1715) »[2].

Ce document est resté INÉDIT jusqu’à présent.

Il en est de même pour son acte de baptême !

Lors de son engagement, Jacques Gauthier se dit natif de la paroisse Sainte-Radegonde à Poitiers, fils de François Gauthier, paveur, et de feue Mathurine Gauthier.

Dans son acte de mariage avec Agathe Faye, il est fils de François Gauthier et d’Andrée (patronyme absent), de la paroisse Sainte-Radegonde.

Est-il possible que Jacques ait perdu sa mère Andrée en bas âge, ne se souvenant que de son prénom, et ensuite élevé par un membre de la famille Gauthier, nommée Mathurine (sœur, cousine, etc. de François, père) ?

Quoiqu’il en soit, son acte de baptême a été retracé dans les registres paroissiaux de Saint-Saturnin, faubourg de Poitiers, le 25 mars 1667. Il est fils de François Gauthier et d’Andrée Vaquerin.

Extrait. Plan de la ville de Poitiers, par M.C. Grange, 1882. Légende : A : Emplacement de l’église Saint-Saturnin. B : Église Sainte-Radegonde. (Source : BNF, GEC-32. gallica.fr)

Disparue au XIXe siècle, l’église Saint-Saturnin s’élevait au croisement de la rue de la Pierre Levée et de la rue du Faubourg du Pont-Neuf (anciennement faubourg Saint-Saturnin). Jouxtée d’un cimetière et d’un enclos paroissial, l’église dépendait de l’abbaye Saint-Cyprien voisine[3].

Sur la même page du registre paroissial exposant l’acte de baptême de Jacques, on retrouve au bas à gauche la signature d’un François Gaultier, parrain de Catherine Texier, baptisée le 13 mars 1667. Assurément le père de Jacques.

L’engagé Jacques Gauthier quitte La Rochelle à destination de Québec dans des circonstances inconnues.

Jacques Gauthier dit Sanscartier, soldat de la compagnie de Vaudreuil

L’engagé Jacques Gauthier devient-il soldat après ses cinq années d’engagement (1687-1692) ? On peut le croire, car il est hospitalisé les 1er juillet 1693 et 15 janvier 1698 où il est dit « âgé de 28 ans de Poitiers ».

Après son hospitalisation de 1698, il reprend la vie civile et se marie un an plus tard.

Qu’est-il devenu ?

GAUTHIER, Jacques
(1667-1741)
Fils de François Gauthier et d’Andrée Vaquerin, Jacques Gauthier est baptisé le 25 mars 1667 dans l’église de la paroisse Saint-Saturnin à Poitiers (Poitou). Se disant natif de la paroisse Sainte-Radegonde, il s’engage à Jacques-Alexis de Fleury Deschambault, le 7 juin 1687, pour aller travailler à son service pendant cinq ans à Deschambault, à raison de 37lt par année. Il signe. Il quitte La Rochelle à destination de Québec dans des circonstances inconnues. Il n’apparaît pas au recensement de la seigneurie de Deschambault en 1688. Après les cinq années de son engagement, Gauthier est hospitalisé les 1er juillet 1693 et 15 janvier 1698 alors identifié Jacques Gauthier dit Sanscartier comme étant soldat de la compagnie de Vaudreuil. Il reprend la vie civile en épousant, le 25 février 1699 à Charlesbourg, Anne Faye, fille de Pierre Faye et de Marie Chavet. Le couple s’établit d’abord à L’Ange-Gardien (Côte de Beaupré), puis à Cap Saint-Ignace. De leur union naissent onze enfants. En juillet 1699, il reçoit le scapulaire du Mont-Carmel. L’engagé Gauthier laisse peu de trace en Nouvelle-France. Il décède à 72 ans, le 11 août 1741 à Cap Saint-Ignace, et est inhumé le lendemain dans le cimetière paroissial après avoir reçu tous les sacrements « d’une manière fort édifiante ».
Extrait. Engagement de Jacques Gauthier. 7 juin 1687. (Source : AD17 en ligne. Notaire Antoine Bagard. 3E392, fol. 118)
Acte de baptême de Jacques Gauthier. 25 mars 1667. (Source : AD79 en ligne. Poitiers. Collection communale 3533. Saint-Saturnin. Baptêmes. Mariages. 1652-1669. Vue 106/139)
Voir aussi : Michel Langlois, Dictionnaire biographique des ancêtres québécois (1608-1700), La Maison des Ancêtres, tome II (Lettres D à I), 1999, p. 324.
Voir aussi : « Recensement de la Seigneurie d’Eschambault » dans RHAF, vol. 9, no 3, décembre 1655, p. 439-442.

Pour citer cet article

Guy Perron©2021, « Engagement de Jacques Gauthier (1667-1741) pour le Canada en 1687 », Le blogue de Guy Perron, publié le 18 septembre 2021.


[1] AD17 en ligne. AD17 en ligne. Notaire Antoine Bagard. 3E392, fol. 118. 7 juin 1687.

[2] Gabriel Debien. « Liste des engagés pour le Canada au XVIIe siècle (1634-1715) » dans RHAF, vol. 6, no 3, décembre 1952, p. 402.

[3] Parcours Le Quartier du Pont-Neuf Poitiers. http://www.grandpoitiers.fr

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3 réflexions sur “303 – Engagement de Jacques Gauthier (1667-1741) pour le Canada en 1687

  1. Bernard Laporte

    Belle trouvaille M. Perron ! Les descendants de Jacques Gauthier vous en remercierons sûrement. Dans ledit contrat d’engagement il me semble que le sieur Deschambault a été un pingre. Trente-six livres pendant cinq ans, avec un billet à l’aller seulement, c’est rare qu’on voit ça. Que signifie l’expression « … ledit Gauthier sa personne à tenir prison pour deniers royaux » ? Est-ce que le sieur Deschambault le sort de prison, ce qui expliquerait les conditions de ce contrat à la baisse ?

    1. Bonjour M. Laporte,
      Effectivement, le salaire de 36 livres est très bas pour 1687. D’autres engagés ont reçu le même salaire en 1656, 1657, 1662 et 1671.

      J’ai recherché sur le web, en vain, l’expression « à tenir prison pour deniers royaux ». Elle est citée fréquemment dans les actes notariés (engagement, obligations, etc.). Selon moi, cela veut dire que si Jacques Gauthier ne respecte pas les termes du contrat, il sera emprisonné pour dettes (bris de conditions).

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